L'ex-rédactrice en chef du New England Journal of Medicine, Dre Marcia Angell, écrivait en 2004: «Je m'inquiète, les soins palliatifs ont développé une fierté professionnelle qui s'apparente à l'arrogance et à la rigidité».

La lettre du Dr Daneault lui donne raison. Son texte découle d'émotions débridées qui en affaiblissent la raison et la retenue. Personne n'a raison qui ne pense comme lui.

Les invitations à moins de rigidité ne manquent pourtant pas. Considérant les agonies horribles qui «demandent» la mort, le théologien Jacques Grand'Maison écrit: «On ne peut en même temps reconnaître la complexité et la diversité des situations limites, et se prêter à une logique univoque...dans chaque cas, il faut rechercher la solution la plus humaine. Cela est incompatible avec des postures rigides». Puisque «l'ultime défi de l'éthique consiste à savoir quoi faire quand aucune des règles ne convient», la souplesse devient nécessité.

Il est triste de devoir s'en remettre au soupçon injuste d'un complot, que le Dr Daneault insinue. La vérité est plus simple. Il suffit de relire la page 53 du rapport de la Commission sur mourir dans la dignité: «Au-delà de la froide réalité des sondages ou de la comptabilité relative du nombre de personnes "pour" ou "contre" s'étant exprimées pendant la consultation, nous avons tenté, à titre de représentants élus de la population, de soupeser la valeur des arguments en regard de l'évolution des valeurs sociales, de la médecine et du droit ainsi que notre conception du bien commun».

Ce qu'entérine le rapport n'enlève rien aux opposants, qui ont été majoritaires à soumettre des mémoires, mais très minoritaires quant à l'acceptation par la population. Ils demeurent entièrement libres de leurs choix. Une liberté qu'ils refusent aux autres, mais que la commission recommande, bien balisée, dans un scénario semblable à celui de la Belgique, pays où il n'y a pas d'abus et où l'aide médicale à mourir n'est qu'une option, choisie par une minorité, à l'issue d'un accompagnement palliatif de qualité.

Il n'y a pas qu'UN mystère de la mort. Chaque mourant a droit au sien, que sa famille, les soignants et l'État doivent faciliter et accompagner. «Le choix des mots aide à définir une éthique de l'accompagnement» (Desmet). De quel accompagnement s'agit-il quand les patients sont perçus par le Dr Daneault comme faisant «un étalage grotesque de la souffrance inhérente à l'humaine condition» ? Et si «crime» il y avait, il serait plus grand à mépriser la dernière volonté d'un mourant qu'à trouver un remplaçant à son désistement. Dieu sait juger...et le courage d'un mourant et la droiture d'un médecin.

D'autre part, un sérieux manque de rigueur refait surface, à mentionner 1000 euthanasies non demandées en Flandre, alors que dans leur discussion des données, les auteurs eux-mêmes expliquent en détail en quoi tous ces cas n'ont rien en commun avec l'euthanasie, mais résultent d'une description fautive des actes posés.

Puisque cette question relève avant tout de nos convictions morales et de nos croyances religieuses, il ne s'agit donc pas d'avoir tort ou raison. Il s'agit d'y mettre tout son coeur pour rejoindre celui qui souffre, sur son terrain, sans lui imposer le nôtre.