Avec la convaincante élection de Thomas Mulcair comme chef du NPD, la menace de marginalisation du Parti libéral fédéral passe du stade de possibilité à celui de probabilité. À certaines conditions. Inquiétante pour plusieurs, séduisante pour d'autres, cette éventualité offre certainement la plus intéressante perspective de renouveau à l'horizon politique canadien.

Le PLC semble résolu à élire Bob Rae chef permanent. Dans le contexte actuel, ce serait une grave erreur. Mais les circonstances rendent inévitable cette conséquence de la déconvenue répétée et assassine des derniers chefs du grand parti national, en l'absence de crédible alternative.

C'est justement parce que les libéraux fédéraux ne seront pas en mesure d'offrir une nouvelle tête intéressante aux Canadiens, un chef passionné et profondément engagé, mobilisateur enfin, qu'ils risquent fort d'être relégués pour longtemps au rang de tiers parti. Ce qui n'est pas déshonorant, mais plutôt frustrant pour un grand parti national qui s'est traditionnellement considéré dépositaire légitime du pouvoir politique, sauf parenthèses accidentelles de l'histoire.

Plus sérieux handicap encore, si les libéraux ont toujours affectueusement décrit les sociaux-démocrates canadiens comme étant des libéraux pressés, non sans une toute aussi blessante qu'évidente touche de paternalisme, le PLC risque fort d'être perçu dorénavant comme la tortue de l'évolution politique pendant que le NPD transportera le témoin avec fougue sous l'éclat des projecteurs médiatiques.

L'histoire récente pourrait ne retenir de M. Rae qu'il aura été celui qui a tenu le fort contre les abus conservateurs pendant que le NPD se donnait le temps d'élire, lui, un jeune chef aussi fougueux que crédible.

Les conservateurs de Stephen Harper ne s'y trompent pas et réagissent à l'élection jadis appréhendée et maintenant confirmée de M. Mulcair avec la pluie d'insultes et qualificatifs dérogatoires qui caractérisent l'expression du mépris méthodique et sectaire affiché envers leurs adversaires politiques.

Pour peu que M. Mulcair, en qualité de leader, performe en Chambre comme ses prestations passées permettent d'anticiper, le Parti libéral perdra les feux des caméras. L'expérience et l'intelligence raisonnable de Bob Rae ne réussiront plus à rendre crédible l'image de celui qui est «en réserve de la république» dont il bénéficie conjoncturellement depuis le décès de Jack Layton.

De plus, les politiques d'extrême droite promises par le réformé Parti conservateur, dont nous n'avons eu qu'un avant-goût jusqu'à maintenant, auront l'effet d'entraîner une inévitable polarisation des opinions qui bénéficiera au parti qui défendra et représentera le plus clairement et le plus radicalement les propositions opposées visant la sauvegarde de nos droits traditionnels et nos valeurs historiques de tolérance et de générosité sociale.

Sans une course au leadership habitée de poids lourds à découvrir et assez crédible pour susciter un engouement qui propulsera le futur chef au statut de découverte de l'année, le PLC sera marginalisé jusqu'à la prochaine élection générale.

Avec les problèmes de financement qui le minent actuellement et qui étrangleront alors vraisemblablement le PLC dans sa tentative de déploiement électoral, le défi paraît insurmontable. Comptez sur le gouvernement conservateur pour scier les jambes de tout adversaire vulnérable à la diminution du financement des élections.

Il est vrai que le PLC n'est pas sans ressources quant aux capacités de ses actuels députés et partisans. Mais où est la relève? J'ai l'impression qu'on l'étouffe plutôt qu'on la développe, tout engagés que sont les ténors à sauvegarder leur grade au sein du parti. Et leur siège au Parlement.