En vain, les candidats à l'élection présidentielle française tentent de récupérer le massacre de sept Français d'origine musulmane, africaine et juive à Montaubon et Toulouse.

Ce crime, qui ne profite à personne, échappe à tout étiquetage partisan. Mais il confirme les effets pervers de toute idéologie, qu'elle soit politique ou religieuse.

Le tueur qui se revendiquait de l'islamisme radical a démontré comment les esprits faibles trouvent dans les idéologies simplistes une explication du monde qui leur tient lieu d'intelligence et une légitimation de leur violence.

On s'étonne de ce que le terroriste n'ait pas éprouvé de remords, qu'il ait envisagé de poursuivre son combat contre une France «coupable» de lutter contre les talibans et de mal soutenir les Palestiniens? C'est le remords qui eut été surprenant: l'idéologie, islamiste en cette occurrence, laisse croire au fou de Dieu que lui suit le juste chemin tandis que tous les autres sont dans l'erreur.

L'islamisme ne fonctionne pas différemment du bolchévisme ou du maoïsme en leur temps, voire de toute autre inquisition religieuse. Il n'est pas nécessaire, comme certains l'ont suggéré, de s'attarder à un examen psychiatrique de ce soldat d'Allah: ce n'est pas de la psychiatrie, ni de la politique intérieure française qu'il relève, mais de la dissolution de la morale dans l'idéologie.

Ces attentats ne prouvent pas que la France soit particulièrement gangrenée par le racisme ni par l'antisémitisme: elle l'est, mais ni plus ni moins que les autres sociétés européennes.

C'est la France en tant que telle et pas une communauté singulière qui a été agressée: que les victimes sélectionnées furent d'origine juive, musulmane et africaine illustre combien l'islamisme redoute la constitution de sociétés modernes, cosmopolites, mondialisées et laïcisées.

L'islamisme exprime un désir de purification tribale, ethnique, religieuse: la France, parce qu'elle est diverse, est la négation de ce fantasme de pureté, de même que toute idéologie conduit à une purification de la société, par éradication des différences religieuses, culturelles, sociales et politiques.

Rappelons que les terroristes français de 1793 et les bolchéviques de 1917 exterminèrent tous ceux qui avaient les mains blanches, supposés aristocrates et bourgeois. Les massacres de Montauban et Toulouse nous alertent ou devraient nous remémorer cette continuité historique: si le crime s'inscrit dans un contexte national et international contemporain, il participe aussi de réflexes et de modes opératoires très archaïques.

Ce qui est nouveau, en revanche, et mérite toute notre attention aura été la réaction instantanée, collective et globalement consensuelle de la société française. La réponse au massacre, ce fut non seulement une minute de silence collective qui a éteint toutes les discussions intérieures, mais plus encore le débat qui s'est tenu dans toutes les écoles de France sur l'événement et sa signification.

Sous la conduite de leurs professeurs, les enfants ont discuté ensemble du racisme, de l'antisémitisme, de la diversité et de la tolérance. Tous les élèves, m'a-t-on rapporté et ai-je constaté, dans les classes les plus «diverses» des villes et de leurs banlieues, se sont regardés les uns les autres, autrement, plus attentivement que naguère. Beaucoup ont découvert que l'autre était différent, mais tout aussi français que lui, fût-ce de fraîche date, et que tous sans exception auraient pu être victimes de l'idéologie meurtrière.

Il est, dans l'histoire des sociétés, de ces instants fondateurs qui définissent une génération. N'excluons pas que, non pas la tuerie de Montauban et Toulouse, mais le débat qui s'en est suivi dans les écoles de France définira pour l'avenir une génération plus tolérante que jamais par le passé nous n'en avons connue. Et qui, peut-être, admettra que la France est une société diverse où, sous l'auvent de la République et de la laïcité, cohabitent des peuples désormais très variés, dont les ancêtres ne furent pas nécessairement gaulois.