Il est difficile d'initier un dialogue avec les étudiants sans en être un soi-même puisqu'on se fait invariablement reprocher de ne pas comprendre leur réalité et l'ampleur des défis académiques et financiers auxquels ils sont confrontés.

Mon passé d'étudiante n'étant pas si lointain et ma bouille juvénile me permettant de prétendre en être encore une, j'ai envie de piquer une petite jasette à notre population étudiante qui se fait bruyamment voir et entendre depuis quelques semaines.

J'ai presque l'impression de vous connaître tellement je vous croise souvent; sur la rue Sherbrooke, au coin de McGill College et même de la fenêtre de mon autobus alors que vous tentiez de traverser à pied le pont Champlain, bousillant la journée de milliers de citoyens.

J'ai d'abord envie de vous rassurer sur un point : il est humain et naturel de se rebiffer devant des décisions qui ont un impact financier négatif et qui nous laissent les poches un peu plus vides. Ce n'est certes pas en sabrant le champagne que je souligne les hausses d'impôts que m'imposent sporadiquement nos gouvernements et l'augmentation du litre de lait et du kilo de beurre d'arachides.

Cependant, il faut savoir aller au-delà de notre réaction initiale et instinctive pour analyser le bien-fondé et la pertinence des mesures proposées. Il suffit d'une brève incursion dans l'univers scolaire pour constater ses sévères carences et admettre que le maintien du gel des droits de scolarité n'améliorera certainement pas la situation. Les chiffres parlent et peuvent dire à peu près n'importe quoi: Si une hausse de 75% des droits de scolarité donne la nausée, une augmentation de 300$ annuellement étalée sur 5 ans n'est pas complètement déraisonnable. Une partie de la solution définitive passe peut-être par les impôts mais la question de la participation des étudiants à cet effort collectif n'est aucunement abusive et mérite d'être débattue, de façon adulte et civilisée.

Par ailleurs, je trouve que votre capacité de vous rassembler et de vous mobiliser est impressionnante. Vous voir manifester avec le soutien de vos familles et de quelques artistes charismatiques est presque touchant. Votre sens de l'unité met un baume sur notre individualisme maladif et témoigne de votre ferveur et de votre énergie. Je me plais à rêver, une fois la tempête de la hausse des frais de scolarité passée, que vous puissiez trouver de nouvelles causes, de nouvelles voies, qui vous feront vibrer tout autant.

Vos récents débordements m'incitent toutefois à vous offrir deux conseils. Le premier : sachez ce que vous défendez. Si certains de vos porte-parole ont le mot juste et la pensée claire, ce n'est certainement pas le cas de l'ensemble de votre communauté et l'image de jeunes descendant dans la rue sans trop savoir pourquoi ils y sont est fort troublante, tout comme la rumeur voulant que les agences de voyage connaissent une hausse fulgurante des ventes de forfaits tout-inclus dans le sud aux étudiants, trop contents qu'ils sont de ces vacances inattendues.

Deuxième conseil : respectez autrui. Prendre les immeubles en otage et bloquer routes et ponts, rendant ainsi la vie de travailleurs et de familles carrément misérable, ne sont assurément pas des moyens de vous attirer la sympathie et le soutien de la population.

Vous me répondrez peut-être que l'agressivité de vos interventions est justifiée par l'intensité de l'obstination du gouvernement. Je vous rappellerai qu'il est possible que la ministre reste de marbre devant vos actes de désordre publique et qu'elle ne capitule pas.

Je vous dirai donc qu'il vous faudra peut-être, en toute modestie, éventuellement vivre avec la défaite et encaisser la hausse des droits de scolarité annoncée. Faire valoir son point est un exercice démocratique fort louable en soi, que vous avez d'ailleurs abondamment pratiqué dernièrement. Mais se résigner tout en acceptant que l'on n'a pas réussi à convaincre et à renverser la décision est un dur travail d'humilité, mais c'est aussi une grande preuve de sagesse et de maturité.