La communauté internationale vient de souligner la première année du début de la révolte de la population syrienne contre le régime brutal et dictatorial de Damas.

Contrairement à la Tunisie et à l'Égypte, les mouvements engagés en Syrie n'ont pas encore permis de faire tomber la caste dirigeante au pouvoir dans ce pays. Avec la violence extrême déployée par Damas pour mater les révoltes, et l'inaction de la communauté internationale, forcée en partie par la position pro-Damas de Beijing et de Moscou, on voit difficilement comment le clan al-Assad pourra être chassé à court terme d'un pouvoir devenu sa propriété exclusive depuis plus de quatre décennies.

La réaction violente démontrée par Bachar al-Assad est pourtant éminemment prévisible. Le régime actuel réagit maintenant, avec démesure, comme il l'a toujours fait dans le passé. Depuis que la famille al-Assad s'est établie au pouvoir dans ce pays, en 1970, à la faveur d'un coup d'État, les cas de répression sanglante contre toute opposition sont pléthores et ont malheureusement permis aux al-Assad de se maintenir en place.

Le cas le plus tristement connu est la tuerie aveugle de milliers de personnes dans la ville de Hama en 1982, en rébellion contre le régime. Au bas mot, 10 000 résidants ont été tués, ce qui se rapproche du triste bilan de la répression actuelle, estimé à 9 000 citoyens.

D'autre part, contrairement à l'Égypte et à la Tunisie, États « naturels », la Syrie est une création artificielle. Le pays résulte des ententes Sykes-Picot de 1916, par lequel la France et la Grande-Bretagne se sont partagé cette région du monde, actes coloniaux dont les effets restent encore très concrets un siècle plus tard.

Création artificielle donc, qui a pour conséquence que l'État « national » n'y a que peu de légitimité : l'État en Syrie, et encore plus depuis la mainmise total sur le pouvoir dans ce pays par la famille al-Assad (Hafez en 1970, son fils Bachar en 2000), est devenu une chasse gardée pour la promotion de la communauté alaouite, qui est d'obédience chiite, une branche minoritaire de l'islam, et qui constitue environ 12 % de la population syrienne.

Il n'y a donc pas en Syrie d'armée nationale, républicaine, avec un minimum de sens de l'État, mais une armée et une garde militaire essentiellement claniques, au service absolu et inconditionnel du régime en place. Ces corps armés n'ont pas comme rôle de protéger le territoire et le peuple, mais de munir le clan d'une milice, dont le seul but est son maintien au pouvoir et de ses privilèges.

La férocité de la « guerre » que mènent ces milices actuellement est d'autant plus impitoyable qu'elle se fait sur fond de division chiite/sunnite et d'une lutte d'influence sans merci entre l'Arabie saoudite (en majorité sunnite) et ses alliés du Golfe, et l'Iran, chiite, dont le prosélytisme est craint et honni, et qui est depuis longtemps un allié indéfectible du clan al-Assad. 

Plongée dans cette logique malsaine et avec son bilan passé, que cette soi-disant « armée nationale » tire à feu roulant et sans retenue sur une population qui remet en cause l'usurpation du pouvoir à Damas n'a rien d'étonnant, malheureusement.