La Commission d'examen des troubles mentaux doit rendre sa décision sur la libération potentielle de Guy Turcotte incessamment.

Nous n'aurions probablement pas dû avoir autant d'informations quant aux circonstances entourant ces meurtres, mais cela est fait. Les détails scabreux ont été légion, les rumeurs bouleversantes ont afflué, et nous avons maintenant tous une idée sur ce cas et sur la dangerosité potentielle de cet homme.

Même si (ou parce que) notre opinion est probablement très subjective, biaisée et fondée sur des informations partielles et que les jurés ont sûrement été les mieux placés pour juger au mieux de la totalité de la preuve, le résultat est que le verdict de non-responsabilité criminelle que cet homme a reçu a bouleversé toute la population.

Et il n'a pas seulement bouleversé la population en général. Il a aussi ébranlé le monde dans lequel je travaille tous les jours: les soins psychiatriques de troisième ligne et les traitements offerts aux victimes. Depuis, mes collègues et moi tentons de comprendre comment les troubles mentaux évoqués peuvent expliquer de tels gestes ou comment ils peuvent se guérir (apparemment) sans médication ou sans psychothérapie.

Nous ne faisons pas que nous remettre en question. Nous devons aussi répondre sans arrêt aux multiples interrogations de notre clientèle bouleversée: «Selon mon psychiatre, je souffre de trouble d'adaptation, serai-je aussi capable d'une telle horreur? Pourrai-je perdre contact avec la réalité et tuer sans que je le veuille vraiment? Donc, je peux arrêter ma médication antipsychotique?» Et que répondre aux multiples victimes que nous traitons qui se révoltent et nous demandent: «Quel est le message que l'on envoie ainsi à nos agresseurs?» «Ainsi, il suffit de plaider ceci pour échapper à la prison et reprendre ses activités normales?!»

Rendre la justice est essentiel. Mais cela ne suffit pas. Il faut qu'il y ait aussi apparence de justice. Et, pour le moment, les apparences sont troublantes, les rumeurs nombreuses et les explications claires et apaisantes rares... Serait-il approprié de demander à la commission d'avoir non seulement un devoir de rigueur et d'équité face au destin de cet homme, mais d'assumer aussi (et surtout si elle décide de le libérer) un devoir d'explication envers la population, les victimes de traumatismes et les professionnels en santé mentale?

Il en va de la confiance de la population envers son système de justice, mais aussi envers son système psychiatrique.