Depuis quelques jours, SNC-Lavalin subit les foudres des investisseurs, des journalistes et du grand public lesquels, à juste titre, sont inquiets de ce qui s'y passe.

L'une des plus importantes lacunes en matière d'éthique et de gouvernance, c'est que de nombreux administrateurs, dirigeants et employés ne cherchent pas à agir dans l'intérêt de leur organisation, préférant agir dans leur propre intérêt ou celui de groupuscules puissants.

La Cour suprême du Canada a récemment créé une révolution dans les décisions Wise et BCE en stipulant que l'intérêt d'une organisation n'était plus le synonyme des seuls intérêts des actionnaires, mais également de ceux des créanciers, employés et autres parties prenantes.

Appliquons cet enseignement pour tenter de déterminer quel est «l'intérêt» que SNC-Lavalin est censé défendre ou protéger. Il est sans doute difficile de concevoir que SNC-Lavalin soit une personne morale, mais imaginons quelques instants que sa direction soit sa tête, que ses actionnaires sont son coeur, que sa filiale canadienne soit son bras droit, et la Libye sa patte gauche. Les 22 000 employés seraient le sang qui coule dans ses veines. Ce que SNC-Lavalin bâtit ou endommage a des conséquences importantes sur ses clients, ses partenaires et tous les citoyens des pays où elle est présente.

Rappelons-nous que SNC-Lavalin est «toujours intègre», comme l'étaient Enron ou WorldCom. En réalité, ce sont les individus qui peuvent être, à une époque donnée, malhonnêtes ou négligents. Parfois, il ne suffit que de quelques personnes pour malheureusement entacher l'ensemble de l'entreprise.

Je suis convaincu qu'à la Ville de Montréal, à la Ville de Mascouche et chez SNC-Lavalin, il y a une très large majorité d'individus honnêtes. Alors, il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain et détruire un fleuron qui a créé des milliers d'emplois et bâti une partie du Québec d'aujourd'hui avec son génie.

Oui, SNC-Lavalin est vraisemblablement malade. Mais au lieu de l'euthanasier, il serait préférable de la soigner. Tous doivent travailler à concocter le remède qui la remettra sur ses pieds, chaque personne est un maillon de la chaîne de la confiance dont dépend sa viabilité.

Certains investisseurs majeurs tels que la Caisse de dépôt et Jarisloswky Fraser, de même que le conseil d'administration, devront rapidement jouer un rôle de premier plan afin d'éviter que la vilaine grippe ne se transforme en pneumonie. La pire chose serait de «pelleter par en avant» et de manquer de transparence, car la confiance serait doublement affectée.

Depuis quelques années, l'opinion publique et les clients sont devenus de plus en plus sensibles aux enjeux éthiques. Les firmes d'ingénierie n'ont aujourd'hui plus d'excuses et se doivent de consulter régulièrement le docteur pour prévenir la maladie. Les pratiques acceptables ou tolérables d'autrefois, telles les commissions secrètes transitant à travers des sous-contractants établis dans des paradis fiscaux pour gagner des contrats en Afrique, ne le sont plus aujourd'hui. Il faut savoir résister à de lucratifs contrats dans des pays où il faut jouer la game. Laissons d'autres s'y «casser la gueule» et sauvons notre réputation, notre âme et notre fierté.

Contrairement à hier, il n'est plus suffisant pour une entreprise de tenter d'embellir son image par de beaux documents, encadrements et campagnes de relations publiques. Il faut investir du temps et des efforts pour développer et encourager une véritable culture de l'éthique.

Des centaines de clients, des milliers d'employés et des millions de Québécois n'attendent que ça, dans le meilleur intérêt de SNC-Lavalin et de nos autres sociétés qui ont contribué à notre renommée internationale.