M. Simard, affirmer que les opposants à la hausse des droits de scolarité citent des études théoriques en leur faveur «en leur tordant le cou» est trop facile. Comme il est facile de constater que vous tordez le cou à tout principe idéaliste qui propose d'abolir les inégalités sociales, ce qui est étonnant de la part d'un enseignant probablement fort cultivé.

Traiter les opposants à la hausse de «matérialistes» en leur rappelant dans la même phrase «qu'il faut tenir compte du cadre socioéconomique» est un non-sens. Le gros bon sens dicte que vouloir cadrer dans l'économie capitaliste est le propre de tous les matérialistes de notre société: tous ceux qui cherchent seulement à s'enrichir, à tirer profit de toute chose, profiter du marché, profiter des pauvres, profiter du profit maximum pour posséder toujours plus, pour soi et non pour le bien public.

Les opposants ne sont pas matérialistes, au contraire, ils sont idéalistes! Pas comme vous, qui faites partie des comptables de la société qui brandissent à répétition l'équation intouchable de l'économie: «L'éducation est un excellent investissement». Comment pouvez-vous oser vous moquer de l'idée que «l'éducation n'est pas une marchandise» ? Comment pouvez-vous traiter cette saine affirmation d'«ineptie» et de «lancinante rengaine» ?

Non, ce n'est pas une «rengaine», ce n'est pas une chanson banale, c'est une vérité fondamentale que nous devons répéter, en perroquets idéalistes et rêveurs d'un monde meilleur sur le plan humain; et cela nous devons le faire comprendre à tous par des discours clairs: l'éducation n'est pas une marchandise. La santé, la culture, l'homme, la femme, le citoyen non plus!

Aussi, comment pouvez-vous ne pas croire au puissant lobbying des grandes entreprises: Canada Steamship lines, Petro-Canada, PetroChina, Imperial Oil, petro ci petro ça, construction par ci, par là, vous connaissez? Comment pouvez-vous nier ce que toute personne saine d'esprit peut constater comme une évidence: le pouvoir de l'argent? Ce pouvoir, le sens civique commande qu'il soit justement, équitablement distribué dans la société, ce qui est très loin d'être le cas.

Je vous cite encore: «Chacun sait pertinemment qu'en plus de nourrir et de développer le sens civique, l'éducation constitue aussi un passeport vers la réussite professionnelle et sociale». Voilà une bonne pensée... mais vous vous empressez d'accoler immédiatement au mot réussite les «avantages pécuniaires qui s'y rattachent». Le sens civique n'est pas le sens des affaires, le bon flair qui permet de «[tirer] profit», de faire de l'argent, c'est le sens du dévouement envers les autres de la Cité, envers ses concitoyens... La nourriture de l'esprit, c'est la connaissance, toutes les connaissances, ce n'est pas l'argent, le profit, l'économie. Cette nourriture doit être disponible pour toute personne qui a faim, peu importe sa condition. Cette nourriture n'est pas à marchander!

Vous présumez que nos étudiants en médecine, nos «carabins», «seraient exclus» du système d'éducation scandinave, qui est gratuit et très lourd d'impôts, parce que leur «sélection est impitoyable». C'est une affirmation gratuite et très insultante pour quantité d'étudiants, quand on connaît les hautes exigences des universités québécoises en matière de recrutement en médecine, entre autres domaines fortement contingentés. Vous traitez de «traîne-savates» bon nombre de personnes motivées qui travaillent très fort, dont vos propres étudiants, peut-être futurs universitaires.

Vous concluez dans une indifférence ponctuée par un «hélas» de défaitisme que «les étudiants qui arrivent à l'université ne sont pas égaux et ils le sont encore moins quand ils en ressortent». Si cette affirmation est un tant soit peu juste, il faut donc, tous ensemble, redoubler d'ardeur pour abolir les inégalités sociales et non militer pour les augmenter, comme vous le faites, hélas...

Vive une éducation plus qu'accessible à tous!