Pour démontrer qu'une personne de race noire est plus sujette à se faire intercepter par des policiers au seul motif de sa race, le journaliste Hugo Meunier a décrit une expérience au cours de laquelle un homme de couleur a circulé au volant d'une voiture à Montréal et à Laval, suivi d'une voiture de La Presse.

Effectivement, le complice de M. Meunier s'est fait intercepter sur le boulevard des Laurentides par des policiers du département de police de Laval.

L'intervention est survenue le 14 décembre 2011, un peu avant 23 heures. Les policiers étaient en surveillance dans le stationnement d'un bar de danseuses réputé pour être fréquenté par des motards et des membres de gangs de rue.

Tel que le démontre une fusillade survenue à la même époque dans un autre bar de Laval, ce genre d'endroit mérite une surveillance policière accrue. Les policiers surveillaient donc les allées et venues tout en s'assurant de veiller à la sécurité dans le quartier.

Une première fois, les policiers ont observé le véhicule du complice de M. Meunier arriver depuis l'arrière du stationnement de l'établissement et passer près d'eux. Les policiers ont remarqué le regard fixe du conducteur à leur endroit et sa tenue vestimentaire, manteau et casquette rouge, mais ont décidé de ne pas intervenir.

Le véhicule a quitté pour revenir quelques minutes plus tard, toujours de l'arrière du bar, et lors de son passage vis-à-vis du véhicule patrouille, le conducteur ne s'est pas privé de «dévisager» de façon soutenue les policiers.

Les policiers ont procédé à la vérification de la plaque d'immatriculation du véhicule qui s'est révélé être propriété d'une femme.

Ce n'est qu'à ce moment qu'ils décident de procéder à l'interception du véhicule. Tout le contexte permettait et justifiait que les policiers interviennent. Ils n'ont pas fait preuve d'impolitesse et sont demeurés respectueux, comme l'a reconnu l'homme interpellé. La brève vérification complétée, il a pu continuer son chemin.

Dans les minutes qui ont suivi, toujours en patrouille, les policiers ont remarqué le même véhicule immobilisé dans le stationnement d'un autre bar de danseuses avec un homme incliné à la fenêtre ouverte du côté passager. Cette observation leur est apparue compatible avec une transaction de stupéfiants, ce qui est vraisemblable dans ce genre d'endroit et à cette heure.

Ils sont alors intervenus une seconde fois pour réaliser que l'homme incliné au véhicule était le journaliste, M. Meunier, et que ce qui s'y déroulait n'avait rien d'illégal.

Toutes ces explications viennent jeter un nouvel éclairage sur le travail des policiers que s'est bien gardé de décrire M. Meunier. Nous étions loin d'être confrontés à du profilage racial, mais plutôt à du profilage criminel. Il ne s'agissait pas non plus d'une «vérification au hasard» effectuée «sans raison apparente».

Nous ne nions pas que des écarts de conduite puissent survenir et nous demeurons vigilants pour les corriger. Le département de police de Laval est préoccupé par le profilage racial. Cependant, nous déplorons que l'exemple du travail de nos policiers ce soir-là ait été utilisé aux fins de cet article.

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UNE LIGNE BIEN MINCE

J'ai consacré plusieurs semaines à cette enquête. En aucun cas, je n'ai voulu verser dans la provocation. Par notre expérience, nous avons voulu démontrer ce que plusieurs témoignages de victimes, de juristes, d'organismes, sans oublier celui d'un policier et l'accablant rapport de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse suggéraient : le profilage racial s'exprime de manière insidieuse, selon un système de deux poids deux mesures, souvent basé sur des stéréotypes. Vous plaidez que les policiers lavallois ont arrêté notre homme notamment à cause de ses vêtements, parce qu'il roulait à 23h près d'un bar d'effeuilleuses et dévisageait les policiers et ce, même s'il n'avait commis aucune infraction. Les policiers auraient-ils agi de même avec un Blanc? Peut-être. Mais plusieurs exemples relevés dans notre enquête me permettent d'en douter et de croire que la ligne semble bien mince entre le profilage racial et le profilage criminel. - Hugo Meunier