Le régime du président syrien Bachar el-Assad vit certainement ses derniers jours. La rébellion populaire touche maintenant les banlieues de Damas, et le gouvernement perd le contrôle d'une partie du territoire. Le président a trois options: il quitte dignement la scène en transmettant le pouvoir à son vice-président; il fuit avec sa famille; ou il finit les pieds devant comme Kadhafi.

Bachar al-Assad n'a rien compris. Il pense sans doute qu'à l'instar de ses homologues assassins du Soudan et du Zimbabwe, il n'a qu'à faire le dos rond et à résister en attendant que la tempête passe. Il a tout faux. La Syrie n'est pas un pays d'intérêt secondaire comme le Zimbabwe, et les massacres en cours ne peuvent rester impunis. Le vent de changement amorcé l'an dernier en Tunisie ébranle le monde arabe, et la Syrie n'y résistera pas, pour le meilleur ou pour le pire.

Mardi, les Occidentaux et des membres de la Ligue arabe ont clairement signifié que la fin était proche. Rarement a-t-on vu des ministres des Affaires étrangères effectuer le voyage à New York afin de s'exprimer devant le Conseil de sécurité sur une question en particulier. Ce geste n'a rien de symbolique et indique une nouvelle détermination à trouver une issue rapide à la crise actuelle.

La Ligue arabe, pour une des rares fois de son existence, a pris l'initiative. Devant la dégradation de la situation, elle propose un plan sans compromis. Le président syrien doit «déléguer toute son autorité» à son vice-président, qui serait chargé de former un gouvernement d'union nationale et de préparer des «élections transparentes et démocratiques», sous supervision internationale et de la Ligue arabe.

Cette proposition est au coeur d'une résolution déposée au Conseil de sécurité par un pays arabe, le Maroc, et appuyée par les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne. Hillary Clinton, Alain Juppé et William Hague ont parlé en sa faveur. Cependant, les pays occidentaux et arabes favorables à cette résolution savent pertinemment qu'ils doivent convaincre au-delà de leur cercle. En effet, la Russie, l'Inde, la Chine, l'Afrique du Sud et le Pakistan ne veulent rien entendre d'une résolution-piège qui pourrait servir à autoriser une intervention militaire, comme ce fut le cas avec la Libye l'an dernier.

Clinton et compagnie ont donc reculé. Ils n'avaient pas le choix. Pour qu'une résolution soit adoptée, il faut neuf voix positives sur quinze et aucun veto. Toutefois, si sept pays s'abstiennent, le veto n'est pas requis et la résolution ne passe pas. La résolution actuellement débattue ne comporte donc ni sanctions, ni référence à la Cour pénale internationale, deux lignes rouges que refuse de franchir la diplomatie russe. Pas question non plus d'adopter un embargo sur les armes.

Les Occidentaux et la Ligue arabe pourront-ils faire adopter leur résolution? C'est fort possible et on le saura dimanche, jour où elle sera certainement mise aux voix. À l'exception de la Russie, les récalcitrants pourraient s'abstenir. La grande inconnue demeure la Chine. Si elle appuie la Russie, alors Moscou et Pékin utiliseront leur veto pour bloquer la résolution, comme en octobre dernier. Si Pékin s'abstient, Moscou pourrait suivre et laisser passer la résolution. Aux dernières nouvelles, la position de Moscou n'est plus figée.

Et alors? Dans les faits, rien. Une résolution en elle-même ne peut modifier le cours des choses. Il faut une action sur le terrain. La résistance anti-Bachar est un assemblage hétéroclite et nébuleux. La résolution lui donnera certainement un nouveau dynamisme et sans doute des appuis diplomatiques et financiers. Il lui faut toutefois gagner le soutien de segments importants de la société qui restent attachés au régime pour une foule de raisons. La chose est sans doute possible compte tenu du succès de la résistance dans les faubourgs de Damas.