L'annonce est arrivée le vendredi 13 janvier. La France et huit autres pays de la zone euro ont vu leur note d'emprunt abaissée par l'agence Standard & Poor's. La France a perdu son triple A, la note plus élevée de l'échelle, pour un néanmoins très honorable AA+. La classe politique, en alerte électorale maximale, s'est emparée des micros pour dénoncer la manoeuvre. La gauche et la droite s'accusent mutuellement d'incompétence et d'irresponsabilité.

Même la Chine, dont les exportations souffrent du ralentissement de l'Europe, s'indigne du pouvoir des agences de notation. Des députés européens s'affairent à préparer une législation pour baliser leurs activités. Est-il avisé de casser le thermomètre?

De nos jours, si vous avez un compte en banque, vous avez un dossier de crédit. Vos revenus, votre solde, vos emprunts et la moindre défaillance dans les remboursements exigés sont rapportés et une note vous est attribuée. C'est le même principe pour les agences de notation qui informent les investisseurs du risquent qu'ils encourent s'ils prêtent à une entreprise ou à un État.

Le pouvoir des agences de notation, aujourd'hui dénoncé, est le résultat non prévu des efforts de régulation destinés, paradoxalement, à stabiliser le système financier international. Fini la spéculation! Ainsi, appliquant les propositions du Comité de Bâle de 2004, les États contraignent les banques, fonds de pension et compagnies d'assurances à accorder une préférence presque exclusive aux émissions les mieux notées. La note, conçue comme une aide à la prise de décision, est devenue la décision.

Malgré les cris d'effroi, l'annonce spectaculaire de S&P (encore!) de baisser la note des bons du Trésor des États-Unis en août dernier n'a eu aucun effet sur les coûts d'emprunt. Mais le dollar n'est pas l'euro. Dans le cas de la France, le marché avait, à sa manière, anticipé l'annonce du vendredi 13. L'écart sur les emprunts de l'État français sur dix ans a atteint 120 points de base par rapport à l'Allemagne. Jacques Attali affirme qu'il en coutera près de 5 à 6 milliards d'euros de plus à la France en 2012 pour compléter son programme d'emprunts.

L'évaluation à la baisse fait aussi très mal à l'Italie, dont le taux d'emprunt sur dix ans dépasse 7%. Les émissions du Portugal, de la Grèce et de Chypre appartiennent à la catégorie des titres «spéculatifs»; la probabilité de défaut est jugée élevée. Autre conséquence, le 16 décembre, S&P annonçait que la note du Fonds d'aide européen était abaissée à son tour, ce qui renchérit le coût des plans d'aide à la Grèce, au Portugal et à l'Irlande. Enfin, parce que la note de pays sert de référence, les administrations locales et les entreprises publiques verront à leur tour leur note baisser.

Il n'y a plus que 12 pays au monde qui obtiennent la note AAA. Le Canada en fait partie. Il aura fallu 10 ans de coupures et de discipline budgétaire pour retrouver la note parfaite perdue en 1992. Mais nos municipalités et provinces ne sont pas à l'abri d'une baisse. Le 15 décembre, l'agence Moody's a placé l'Ontario sous surveillance et menace d'abaisser sa note de Aa1, à Aa2, la même que celle du Québec.

Exaspéré par l'ingérence et au nom de la souveraineté, faut-il museler les agences de notation? Cela ne réglera rien. Ainsi le président Sarkozy admettait en octobre dernier: «Le problème, ce ne sont pas les agences de notation, le problème c'est que nous dépensons trop.»