ADDIS-ABEBA - Avec raison, la Chine, l'Inde et le Brésil se taillent une belle part dans les analyses concernant l'émergence de nouvelles puissances économiques et politiques sur la scène internationale. Il ne faut pas oublier l'Afrique pour autant: le continent est en pleine expansion et recèle de vastes potentialités.

Il y a 10 ans, l'hebdomadaire britannique The Economist qualifiait l'Afrique de «continent sans espoir». Dans sa dernière livraison, il fait acte de contrition. Les occasions d'affaires y sont tout aussi intéressantes qu'en Asie, écrit-il. Selon les dernières statistiques, une douzaine de pays sur 54 atteindront des taux de croissance de plus de 6% cette année. Les taux de mortalité et d'analphabétisme sont en baisse, la campagne de lutte au sida sauve des vies, la classe moyenne devrait atteindre 100 millions d'Africains en 2015, c'est-à-dire environ 10% de la population, ayant chacun un revenu annuel de 3000$.

Encore mieux: la nouvelle richesse africaine n'est plus seulement le résultat de la vente de matières premières. Il y a encore 15 ou 20 ans, c'était le cas. Aujourd'hui, plusieurs économies africaines se sont diversifiées. Elles exportent des produits finis et des produits agricoles et développent des marchés intérieurs vigoureux. La vente de téléphones portables en est l'illustration la plus éclatante. La multiplication des correspondances aériennes interafricaines en est une autre. Il y a 10 ans, pour se rendre d'Abidjan à Dakar, il était préférable de faire escale à Paris. Plus aujourd'hui.

Les pays africains trouvent chaque jour de nouveaux marchés en dehors de l'Occident. L'Inde, la Chine, le Brésil et la Russie achètent 20% de leurs matières premières, une hausse de 2000% par rapport à 1990. La Banque mondiale estime que l'Afrique est sur le point d'effectuer un décollage aussi important que celui de la Chine il y a 30 ans.

L'économie africaine est propulsée par de vieux et de nouveaux dragons. Le Nigeria, l'Égypte, l'Algérie et l'Afrique du Sud ont été et demeurent le socle de cette vitalité. D'autres viennent les rejoindre. Ici, en Éthiopie, le pays connaît une belle performance. Le PIB progresse sans cesse depuis 2004. La capitale, Addis-Abeba, est en pleine effervescence.

La vitalité des économies africaines est aussi à trouver chez sa nouvelle classe d'entrepreneurs. Pour un Occidental, c'est très visible. Il y a 15 ou 20 ans, les terrasses et salles à manger des grands hôtels et les restaurants étaient bondés d'Occidentaux. Maintenant, le tiers, sinon la moitié des clients sont africains ou chinois. Et on ne les retrouve pas seulement dans les grands pays. Je viens de passer deux semaines au Burkina Faso et au Mali ou je me rends régulièrement depuis une douzaine d'années. Ces deux pays sont méconnaissables. Les profits qu'ils tirent de l'exploitation des ressources naturelles sont investis dans l'agriculture et les services. Et les gens d'affaires de la région s'y intéressent.

La nouvelle richesse de l'Afrique permet aussi le développement des infrastructures, si essentielles aux communications et au commerce. La petite République de Djibouti vient d'annoncer un investissement de 1,5 milliard afin d'agrandir ses installations portuaires qui permettront à l'Éthiopie d'augmenter ses exportations.

Si le portrait est plus positif qu'il y a une décennie, l'Afrique reste le continent à la traîne où les obstacles au développement sont nombreux. La pauvreté, les maladies, le terrorisme et les conflits frappent des régions entières - comme la douzaine de pays d'Afrique centrale - et une baisse soudaine des cours des matières premières ferait très mal. Des efforts sont encore à faire afin de démocratiser certains pays, comme l'Éthiopie. Mais pour la première fois depuis longtemps, écrit The Economist, à peu près tous les indicateurs sont au vert.