L'état d'urgence déclaré par la chef d'Attawapiskat, une communauté isolée du nord de l'Ontario, a une fois de plus ramené le sort des Premières Nations au devant de notre conscience collective. Au milieu de la ruée médiatique et parlementaire qui s'en est suivie, le premier ministre Stephen Harper a accepté de tenir une rencontre de la Couronne et des Premières Nations le 24 janvier 2012, dans laquelle le chef national de l'Assemblée des Premières Nations (APN), Shawn Ah-in-chut Atleo, voit une occasion de redémarrer les relations entre les Premières Nations et la Couronne.

L'expérience de Premières Nations ayant remporté plus de succès au Canada suggère qu'un élément fondamental de ce redémarrage devrait être une redéfinition du rôle du ministère récemment renommé des Affaires autochtones et du développement du Nord, précédemment connu sous le nom de ministère des Affaires indiennes (MAI).

Heureusement, toutes les premières nations au Canada ne vivent pas dans des conditions aussi inacceptables que celles ayant cours à Attawapiskat: pas d'électricité, pas d'eau courante et des maisons infestées de moisissure et surpeuplées pour ceux qui ne vivent pas sous la tente ou dans des cabanes de bois.  Certaines d'entre elles ont connu plus de succès à rehausser le niveau de bien-être de leur population, mesuré par l'éducation, la population active, le revenu et le logement.  Mais pour la majorité de ces Premières Nations ayant remporté plus de succès, le Ministère a été et demeure un des principaux facteurs entravant leur bien-être.

Les histoires des Premières Nations ayant remporté plus de succès au Canada varient et reflètent leurs circonstances particulières aux plans spirituel, culturel, social, historique, géographique, politique et économique. Néanmoins, on peut en dégager au moins deux fils conducteurs.

L'un d'eux est leur vision de l'histoire récente (depuis environ 1830) comme composée de deux périodes distinctes, séparées par le Livre blanc fédéral sur la politique indienne de 1969 et le mouvement de protestation auquel il donna lieu chez les Premières Nations à travers le Canada.  La première était la période du contrôle colonial direct exercé par le MAI par le biais des Agents des Indiens, des promesses violées (faites par traité ou autrement), du déclin de la population causé par la maladie, du racisme et de la  discrimination, des tentatives d'assimiler les Indiens et d'en faire des agriculteurs sur des terres impropres à l'agriculture, des mauvais traitements infligés aux Vétérans des Premières nations, des pensionnats indiens et de la disparition des terres de réserve.

Tout ceci a produit une méfiance profonde et durable à l'égard du gouvernement fédéral, et en particulier du MAI.  Dans l'ère moderne d'après 1969, à travers la délégation de programmes du MAI, les décisions des tribunaux et les actions unilatérales, les Premières Nations ont progressivement commencé à exercer de plus en plus le contrôle sur leurs vies.  Quarante-deux ans après le début de cette seconde période et en dépit des tentatives du MAI de se repositionner dans un rôle d'assistance amicale, la majorité des Premières Nations le perçoivent toujours comme une incarnation contemporaine du même vieil instrument de domination coloniale, et comme plus intéressé à limiter à la fois ses dépenses et sa responsabilité qu'à les aider ou à changer le statu quo.

L'autre fil conducteur est qu'aujourd'hui, les Premières Nations ayant remporté plus de succès continuent de percevoir le MAI comme une entrave majeure et un plus gros problème encore que la Loi sur les Indiens, à cause de son paternalisme, de ses processus bureaucratiques, de ses inconséquences et de ses retards; de son sous-financement des Premières nations et de ses propres obligations législatives; et de son manque de compétence et de l'instabilité de son personnel.

J'ai travaillé au MAI pendant six ans et je sais que le Ministère est plein de gens de bonne volonté qui travaillent fort et qui font de leur mieux pour aider à améliorer la qualité de vie des résidents de collectivités des Premières Nations.  Malheureusement, non seulement le MAI ne réussit-il pas à atteindre cet objectif, mais ses propres statistiques démontrent qu'en fait les choses empirent.

En avril 2010, le MAI a publié la plus récente mise à jour de son Indice du bien-être des collectivités (IBC), qui mesure le bien-être de toutes les collectivités canadiennes présentant une population d'au moins 65 individus.  Cette étude concluait que le bien-être des collectivités des Premières nations est de beaucoup moindre que celui des autres collectivités canadiennes et qu'il n'y a eu que peu ou pas de progrès dans l'IBC des collectivités des Premières nations entre 2001 et 2006.  Les problèmes de logement comme ceux d'Attawapiskat ne sont pas rares, puisque la composante logement de l'IBC a chuté au sein des collectivités des Premières nations entre 2001 and 2006.

Plus récemment, le rapport d'étape du printemps 2011 du Vérificateur général, passant en revue 10 ans de recommandations, a trouvé que les conditions ne se sont pas améliorées pour les Premières nations dans chacun des domaines examinés, et que dans certains cas elles se sont aggravées.  

Il n'est donc pas surprenant que le chef national de l'APN Atleo revendique «un changement structurel incluant des changements à l'appareil gouvernemental qui affirment la relation, fassent respecter la responsabilité and augmentent les normes de service, la responsabilité et l'imputabilité mutuelle».  En se félicitant de la réponse positive du premier ministre à l'appel des Premières Nations en faveur d'une rencontre de la Couronne et des Premières Nations un mois plus tard, le chef national l'a décrite comme «une occasion de redémarrer la relation, de débuter la tâche de fracasser le statu quo et de briser les chaînes qui nous retiennent.  La clé, c'est un réel engagement à travailler ensemble. Nous avons débuté notre histoire comme des partenaires. Nous pouvons aller de l'avant comme des partenaires.»

Un élément fondamental pour rétablir ce partenariat originel serait de remplacer le MAI et son rôle historique de contrôler les Premières nations par une nouvelle structure gouvernementale investie d'un véritable mandat pour aider les Premières Nations à passer de la dépendance à l'indépendance.