À la fin des années 1800, le gouvernement du Canada interdisait aux autochtones le recours à leur médecine traditionnelle et leurs rites religieux. Puis sont arrivées les écoles résidentielles. Les enfants y ont été portés pensionnaires avec interdiction de parler leur langue: une tentative de génocide culturel dont la loi sur les Indiens adoptée à la fin des années 1880 et revue en 1951 consacre la légalité depuis lors.

Cette loi enlève tout droit de propriété résidentielle aux autochtones, les confine à des réserves, les soustrait de toute responsabilité fiscale, leur refusant du coup les droits et privilèges de citoyens responsables de leur destin. Cet effort soutenu d'assimilation des autochtones à la majorité blanche ressemble à s'y méprendre à un apartheid ethnique, infantilise les membres des Premières nations et les piège jour après jour dans une dépendance économique, sociale et culturelle toxique.

La suppression systématique de leur culture passe par la négation successive de leur spiritualité, de leur langue, de la relation nourricière avec la Terre. Les réserves sur lesquelles ils sont confinés sont continuellement menacées, perturbées ou inondées, dépendant des calendriers de développement économique sur lesquels ils n'ont très souvent rien à dire.

C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre les taux alarmants de suicide et de dépendance aux drogues chez les autochtones et leur méfiance à l'égard d'un système éducatif qui a broyé toute une génération et qui gomme leur appartenance culturelle.

C'est dans ce contexte aussi que s'inscrit l'attitude méprisante du gouvernement Harper dans la mise en tutelle de la municipalité d'Attawapiskat. Ce faisant, le gouvernement laisse entendre que le manque de logements salubres à Attawapiskat est le résultat d'une administration locale incompétente. Il a beau jeu de le faire, la recette est connue: vous refusez l'exercice des responsabilités civiques à un groupe, vous le confinez à des espaces de vie marginaux et insuffisants à ce que ses membres puissent assurer leurs besoins essentiels comme se nourrir, se loger et se vêtir, et vous les financez ensuite selon votre bon vouloir en les accusant de ne pas prendre leurs responsabilités. Cela relève de la plus haute hypocrisie et de la désinformation malfaisante.

L'exemple des 90 millions $ versés à la communauté d'Attawapiskat est éloquent à cet égard. Alors que le gouvernement Harper affirme que cet argent a été octroyé pour la construction de logements, il sait pertinemment que ce n'est pas le cas. Cette somme sert à couvrir l'ensemble des programmes sociaux de la communauté. La somme dévolue au logement est à peine suffisante pour construire 23 logements alors qu'il en manque plus de 200. On induit sciemment une perception de générosité sans bornes du bon gouvernement canadien à l'égard des «Indiens irresponsables».

Durant ce temps, de l'autre côté de la Baie d'Hudson, dans les 14 communautés de la baie James et de la baie d'Ungava,  les Inuits du Nunavik continuent  de s'entasser à qui mieux mieux dans de petits logements, dont il manque encore près de 1000 unités de l'aveu même du gouvernement québécois. Alors que ce dernier annonce un investissement pour la construction de 500 logements supplémentaires en sus des 340 prévus dans l'entente quinquennale avec Ottawa, le gouvernement Harper refuse toujours de reconnaître ce besoin criant des habitants du Nord.

L'attitude du gouvernement Harper devant la détresse des familles d'Attawapiskat nous fait imaginer le pire pour toutes les autres communautés autochtones. On comprend aisément pourquoi ce gouvernement s'est longuement fait tirer l'oreille avant de signer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le temps est venu de saisir l'ONU du peu de cas que fait le gouvernement canadien de ces droits.



Les auteurs sont membres du Collectif de chercheurs et d'intervenants pour les enfants autochtones.