C'était récemment la grande soirée de rencontres parents-enseignants dans les écoles du Québec. Si l'exercice se voulait une excellente occasion de relancer un début d'année cahoteux pour quelques élèves, il a aussi permis - hélas! - de mettre en évidence le manque d'intérêt de certains parents pour le quotidien de leur enfant.

On a commenté le parcours de l'élève, on a questionné le suivi à la maison, et puis la réponse finale, cruelle, tellement lourde de sens, est venue comme une gifle: «Je n'ai pas le temps pour ça!»

Pas le temps pour la marche de santé après le souper, pas le temps pour jouer au ballon avec fiston, pas le temps pour les devoirs au petit soir. Pas le temps de bavarder, d'écouter, de cajoler. Pas le temps, pas le temps, pas le temps. La gardienne, le grand frère, la grand-mère, peut-être même le Xbox, sauront bien prendre la relève. Pas le temps, tout simplement, d'être parent.

Avoir un enfant, c'est assurer son éducation, lui transmettre des valeurs, faire des sacrifices et accepter des responsabilités. Être parent constitue certainement le plus important contrat à long terme qui soit, un contrat pour toute la vie mais qui génère son lot de petits bonheurs.

Si on n'a pas de temps à offrir à son enfant, c'est qu'on consacre ce temps à autre chose, à d'autres «priorités». Entre le travail, les loisirs, le travail, les amis et le travail, il y a très certainement des petits yeux qui observent la scène en silence, parfois en souffrance, et qui n'attendent pourtant que la première occasion de s'ébahir devant l'adulte le plus important au monde.

Parce que c'est justement à ce niveau que se situe le problème. Pour s'épanouir, un enfant a besoin de modèles positifs parmi ses proches. Si la chanteuse pop ou le joueur de hockey peut contribuer à entretenir le rêve, c'est l'image forte d'une mère ou d'un père impliqué dans sa vie qui lui permettra de forger sa propre identité. La maman qui comprend tout, le papa qui sait tout, le parent sportif, l'adulte qui sécurise; les exemples ne manquent pas pour démontrer toute l'importance pour un enfant d'évoluer dans un environnement stable où l'exemple qui le précède est le bon.

Mais encore faut-il que l'enfant ait le temps de profiter de cet exemple. S'il doit courir derrière son parent qui le ramène à la maison en quittant le service de garde, si son aire de jeu se limite à sa chambre à coucher, si ses devoirs sont uniquement l'affaire de son enseignante et si la plupart de ses conversations sont de nature virtuelle, c'est que l'adulte toujours dépassé, qui court devant, a lui-même perdu ses repères. Tôt ou tard, quelqu'un va trébucher.

Dans quelques semaines, cela n'empêchera personne de souhaiter à ses parents et amis une bonne année. Tous prendront la résolution de cesser de fumer, de perdre du poids, de faire plus d'exercice. Chacun aura sa petite pensée pour un être cher disparu au cours des derniers mois. Et cette fois, y aura-t-il enfin une place pour ces enfants avec qui on n'a pas le temps de faire quoi que ce soit?