Le président al-Assad ne renoncera pas au pouvoir en Syrie.

Il y a quelques semaines, dans ces pages, j'écrivais que le président syrien Bachar al-Assad se trouvait devant une alternative: soit il quittait le pouvoir, soit il finissait comme Saddam Hussein et Kadhafi. Il a choisi la deuxième option. Le président veut mourir aux commandes. La posture est certainement courageuse, mais le président syrien n'a rien d'un Salvador Allende.

Arrivée au pour voir par un coup d'État en 1970, la dynastie al-Assad, alors incarnée par le père Hafez, a purgé le pays de ses opposants réels ou imaginaires et imposé une horrible dictature. On croyait le fils plus éclairé, plus moderne. Il l'est, en effet, mais à sa manière, comme l'était Saïf al-Islam, le fils de Kadhafi, capturé il y a quelques jours. La liberté peut-être, la démocratie jamais. Bachar pouvait tenir cet équilibre, car il savait l'importance de la Syrie dans le grand jeu du Proche-Orient. Et il rendait de petits services. Ainsi, au lendemain du 11-Septembre, la Syrie a accepté de servir de centre de torture pour les prisonniers livrés par les Américains dans la lutte contre le terrorisme. Le Canadien Maher Arar en sait quelque chose.

Bachar est toutefois allé trop loin. L'assassinat de l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri en 2005 a posé les premiers jalons de son isolement international. Puis, soudain, le Printemps arabe a soufflé un vent de liberté de la Tunisie à Bahreïn, en passant par l'Égypte et la Libye. Le président syrien a cru son pays immunisé. Erreur fatale.

Lorsqu'un pouvoir dictatorial repose sur une minorité s'accaparant tout, il fait le vide autour de lui. Il ne faut qu'une étincelle pour allumer le feu. La majorité sunnite ne rêve que de vengeance. Et si en plus les Occidentaux et Israël veulent régler son compte à al-Assad, alors tout est en place pour un affrontement. La révolte a commencé il y a neuf mois.

La Ligue arabe a cru jouer un rôle afin d'encourager le dialogue entre le pouvoir et le régime. Comme en Libye, à Bahreïn ou ailleurs, son intervention n'aura servi à rien, on s'en doutait, car la Ligue arabe n'a jamais été autre chose qu'un club de dictateurs soucieux de préserver leur propre survie et de dénoncer Israël.

En Syrie, ni l'opposition - un regroupement de démocrates, mais aussi de personnages douteux et louches comme ce colonel Riad al-Assad, chef de l'Armée syrienne libre et étrangement bien branché sur les médias et cabinets de relations publiques occidentaux - ni le gouvernement n'étaient en fait prêts à quelque compromis que ce soit.

La lutte à mort semble donc la seule porte de sortie. «Le régime al-Assad ne comprend que la force, a dit le mystérieux colonel. Seule la lutte armée le fera tomber.» Le président syrien n'a pas tardé à répondre. Dans un entretien publié dimanche par l'hebdomadaire britannique The Sunday Times, il a accusé les insurgés et la Ligue arabe de servir de paravents à une intervention étrangère et a affirmé être «tout à fait» prêt à combattre et à mourir s'il devait affronter des forces étrangères - «cela va sans dire et c'est indéniable».

La Syrie est donc entrée dans un cycle infernal. À moins d'un effondrement soudain du régime - ce qui n'est pas à écarter -, les combats vont se poursuivre. Ils vont entraîner un afflux de réfugiés au Liban et en Irak, avec les conséquences que cela peut induire sur ces pays déjà fragilisés par des conflits internes. Cet élargissement des violences pourrait aussi entraîner la Turquie à intervenir directement. Et que fera l'Iran pour sauver la Syrie, sa seule alliée dans la région? Existe-t-il encore une porte de sortie qui permettrait d'éviter le pire? À vrai dire, non.