Une sorte de réflexe conditionné relie les concepts de loi 101, de langue française et d'affichage. Il suffit d'évoquer un des trois pour que tous les spécialistes en communications se mettent en meute pour redire haut et fort: l'affichage au Québec doit être fait en français, comme le stipule la loi 101. Et en filigrane: l'anglais, dehors.

Faut-il préciser que très récemment, la campagne de publicité de l'Office québécois de la langue française a en quelque sorte réactivé le reflexe conditionné en question, si bien que tout le monde s'empresse de montrer patte blanche.

Grand bien lui en fasse, au monde bienséant s'entend. Néanmoins, des faits persistent qui n'ont rien à avoir avec la langue de Dumas - que voulez-vous, je le préfère à Molière - ni avec l'anglais, lequel n'est pas l'apanage de Shakespeare uniquement.

Les faits en question sont les suivants: la population de la Terre a dépassé les 7 milliards. Un groupe de pays obscurs, appelé communément le Sud-Est asiatique, en regroupe 4,2 milliards. La Chine, à elle seule, excède 1,3 milliard. L'Europe et la Russie pèsent pour plus de 800 millions.

Jusqu'à là, aucun rapport avec le bon vieux débat sur l'affichage, n'est-ce pas? En français, s'il vous plaît, pour que grand-maman de Terrebonne ne soit pas dépaysée chez Best Buy?

Hum, laissez-moi rire un peu.

Tout le monde sait qu'un million de millionnaires chinois attendent pour émigrer aux États-Unis et au Canada. Un regain de l'immigration d'affaires depuis la Russie est observé, sans compter l'Inde dont les millionnaires et les non-millionnaires viennent s'établir dans ces terres froides que sont les nôtres.

Et que pensez-vous que font les gens fortunés de ces pays, une fois ici? Mais ils ouvrent des commerces, bien entendu. Et ils mettent des affiches. Les affiches ne sont ni en français, ni en anglais. Les affiches sont dans leur langue d'origine.

L'avenir démographique du Canada sera tributaire de l'immigration économique, sociale et climatique. Derrière chaque Canadien, chaque Québécois, 1000 personnes à travers le monde sont prêts, à tout moment, à prendre sa place.

En 10 ans de communications spécialisées dans cet univers dont on ne parle qu'à titre exotique, j'en sais assez pour affirmer que le véritable enjeu est de marier ce futur tellement bigarré à au moins une des langues qu'on peut lire, parce qu'écrite en caractères latins.

Et, pour aller un peu plus loin: sensibiliser l'immigration à venir au fait français au Québec est, je crois, l'enjeu de demain. En attendant, on peut toujours argumenter sur l'affichage, en français, comme le présume la loi 101?