Aux grands maux, les grands remèdes. Pour sauver l'euro, l'Allemagne est décidée à faire franchir une nouvelle étape à la construction européenne. De nouveaux transferts de compétences vers Bruxelles devront être opérés et une forme de fédéralisme budgétaire devra être instaurée.

L'Europe à deux vitesses s'installe. Au centre, un noyau dur de pays ayant choisi d'appartenir à la zone euro et prêts à pousser plus loin leur intégration; à la périphérie, les autres pays de l'Union européenne.

C'est un peu comme si les Allemands venaient de siffler la fin de la récréation. Ou bien vous faites partie de la zone euro et vous pourrez compter sur la solidarité de vos partenaires mais vous devrez alors accepter des contraintes majeures, non seulement des plans d'austérité mais aussi des pertes de souveraineté. Ou bien vous choisissez de rester en marge de la zone euro et alors la prochaine étape de la construction européenne se fera sans vous.

Les Anglais sont horrifiés. Ils n'ont jamais aimé l'euro et toujours espéré que son échec consacrerait l'échec d'une Europe supra-nationale. Leur secret espoir a toujours été de voir l'Union européenne devenir une simple zone de libre-échange. John Major avait réussi à biffer toute référence à la vocation politique de l'Europe dans le Traité de Maastricht et ses successeurs avaient réussi à éliminer du Traité de Lisbonne toute référence au drapeau ou à l'hymne européen. L'idée que l'Europe politique se fasse tout de même et qu'elle se fasse sans eux leur est insoutenable.

Les Français, eux, ont déjà par deux fois refuser l'intégration plus poussée que leur proposaient les Allemands. Une première fois au début des années 90, juste après la réunification. L'initiateur de ce mouvement était un certain Wolfgang Schaüble, l'actuel ministre des Finances. Il faut lui reconnaître le mérite d'avoir de la suite dans les idées. La deuxième fois, c'était à la fin des années 90, une démarche de Joshka Fisher, ministre vert des Affaires étrangères et vice-chancelier dans le gouvernement SPD de Gerhard Schroeder. Comme quoi toutes les familles politiques en Allemagne soutiennent, depuis longtemps, une stratégie de plus grande convergence et de plus grande intégration au sein de l'Union européenne. Cette fois, les Français n'auront pas l'option de dire non.

Ils réclament depuis le début de la crise de l'euro un rôle différent pour la Banque centrale européenne et un financement colossal pour le Fonds de stabilité. Les Allemands viennent de leur répondre. Ils accepteront peut-être un jour que la BCE soit la banque de dernier recours pour les pays de la zone euro, ils dépasseront peut-être un jour leur hantise de l'inflation, mais il faudra d'abord que s'installe dans la zone euro une culture de la rigueur et de la discipline. Il faudra aussi que les structures et les contrôles politiques nécessaires soient mis en place. Il faut se rendre à l'évidence. Si l'axe franco-allemand est appelé à rester nécessaire, il sera de moins en moins suffisant.

Au départ, l'Europe était un projet politique. On a fait la Communauté du charbon et de l'acier et le Marché commun en espérant que l'Europe politique naîtrait de cette coopération nouvelle. On a procédé à des vagues successives d'élargissement en prétendant toujours, parce qu'on l'espérait tant, qu'approfondissement et élargissement iraient de pair. Quand on a crée l'euro, on a cru et espéré aussi qu'une monnaie commune allait pousser l'Europe vers plus d'intégration. En d'autre mots, chaque fois on a fait le plus facile en espérant que le plus difficile se ferait tout seul!

Aujourd'hui, l'heure de vérité a sonné. Le courage politique qu'elle n'a pas eu dans le temps, l'Europe devra l'avoir maintenant.