Mis en minorité par ses propres alliés, montré du doigt par ses collègues européens, Silvio Berlusconi semble cette fois-ci être arrivé vraiment en fin de course.

À la suite de l'effondrement de sa majorité mardi, M. Berlusconi a été reçu par le président de la république, Giorgio Napolitano, auquel il a annoncé sa volonté de démissionner après avoir fait approuver les mesures d'austérité promises le 26 octobre au Conseil européen. Quel est l'impact de cette démission sur la politique italienne? Quel impact sur la crise de la dette souveraine qui frappe l'Union européenne? Selon les pouvoirs qui lui sont octroyés par la Constitution italienne, le président Napolitano doit s'assurer, une fois la démission du premier ministre officialisée, qu'aucune majorité possible pour former un autre gouvernement ne se dégage, et, dans ce cas seulement, convoquer des nouvelles élections législatives. M. Berlusconi, qui a annoncé sa volonté de démissionner après le vote de mesures d'austérité, essaie en réalité de gagner du temps afin de jouer un rôle actif dans la détermination de la suite des événements. Gagner du temps, car M. Berlusconi reste la première fortune du pays et cherche à mettre ses entreprises à l'abri de difficultés futures, ainsi que de se garantir un avenir sans ennuis judiciaires. Influencer l'avenir, car la formation d'un gouvernement «technique» ou d'union nationale est la solution privilégiée par l'opposition de gauche et par les partis centristes, désormais majoritaires. Un tel gouvernement, qui pourrait être guidé par Mario Monti (ancien membre de la Commission européenne) ou par Giuliano Amato (déjà deux fois premier ministre), serait chargé de réaliser les réformes les plus urgentes avant de laisser place à un gouvernement «politique» issu d'élections tenues en 2013. Cette solution permettrait à la droite italienne de se «réorganiser» sans son encombrant leader et à la gauche italienne de préparer un programme gouvernemental crédible. En proposant sa démission, mais seulement après le vote des mesures d'austérité, M. Berlusconi tente de barrer la route à un gouvernement «technique», à se présenter aux Italiens comme un véritable homme d'État soucieux de l'urgence financière, de lancer la campagne électorale afin d'exploiter les faiblesses de la gauche, et surtout de garder le contrôle du courant de centre-droite, le regard fixé sur l'avenir politique du pays. Toutefois, ces manoeuvres de M. Berlusconi semblent vouées à l'échec. Avant d'être congédié par sa majorité, il l'a été par les marchés financiers. L'explosion du différentiel des taux d'intérêt italiens vis-à-vis du taux de référence européen, celui des obligations allemandes, et les mouvements d'humeur des bourses européennes montrent que le premier ministre italien est un obstacle à la solution de la crise de la dette en Europe. Cette crise est avant tout une crise de confiance. Or, personne ne fait plus confiance à M. Berlusconi pour réaliser, en six mois, les réformes qu'il n'a pas réalisées en 10 ans. L'Italie, dont les fondamentaux économiques sont bien meilleurs que ceux de l'Espagne, par exemple, s'est retrouvée dans l'oeil du cyclone en raison du peu de crédit dont jouit son premier ministre. La fin de la carrière politique de M. Berlusconi ne résout pas la crise de la dette européenne. Celle-ci nécessite une action décisive de la Banque centrale européenne, un assouplissement quantitatif à l'européenne qui, seul, pourrait calmer la panique des marchés, et surtout une réforme des traités permettant d'aller vers une union fédérale. Mais, sans M. Berlusconi, et surtout avec une solution rapide et claire de la crise italienne, les États européens peuvent gagner du temps et compter à nouveau sur l'Italie pour participer à la résolution de cette crise. Par contre, la tenue de nouvelles élections, en janvier 2012, paralyserait l'Italie trois mois durant. La formation rapide d'un gouvernement d'unité nationale semble donc l'option la plus raisonnable.