Nous avons assisté, il y a quelques semaines, à un dérapage médiatique plutôt inusité. Un média d'information a consacré la première nouvelle de son téléjournal à un reportage sur le juge James Brunton de la Cour supérieure, qui assure la gestion des procès impliquant des prétendus membres des Hells Angels. Le juge Brunton aurait été dans l'embarras et sous enquête policière en raison de la découverte de relations commerciales entre une entreprise à laquelle son gendre est associé et une autre société dont l'un des actionnaires serait lié au crime organisé. Il s'agissait là d'un pur exercice de sensationnalisme que les faits ne justifiaient tout simplement pas.

Cette information fait dorénavant partie du palmarès des nouvelles qui n'en sont pas. Un non-événement, comme l'a écrit le chroniqueur Yves Boisvert dans sa chronique du 14 septembre 2011.

L'épisode interpelle la Conférence des juges des cours supérieures du Québec, qui regroupe tous les juges de la Cour supérieure du Québec et de la Cour d'appel du Québec.

En cette période où plusieurs acteurs de notre société expriment leur cynisme parfois justifié envers nos institutions, il importe de faire une mise au point.

La pérennité de notre démocratie et le respect de ses valeurs fondamentales, dont la liberté d'expression, sont largement tributaires de la crédibilité de la magistrature auprès des justiciables. Il n'est d'ailleurs pas anodin de constater que dans les sociétés de type totalitaire, les avocats et les juges sont habituellement les premiers à écoper. Or, rappelons que la magistrature canadienne demeure encore aujourd'hui un modèle en Occident pour ce qui concerne l'impartialité et l'indépendance des juges.

Malheureusement, ces caractéristiques sont trop souvent tenues pour acquises. Les médias et les agents d'influence dans la société doivent demeurer vigilants pour ne pas céder à l'attrait momentané du sensationnalisme et risquer d'affaiblir le respect, la crédibilité et le soutien nécessaires à une magistrature efficace et indépendante.

Il est primordial de maintenir la confiance des citoyens dans leur système de justice et ainsi occulter le cynisme propre à la création d'un système de justice parallèle ou, pire encore, à la désillusion et à l'impression que justice ne sera pas rendue.

À une époque où l'activité judiciaire n'a jamais occupé autant l'espace médiatique et à l'heure de l'information continue, il faut souhaiter une meilleure communication entre les principaux acteurs.

Tout comme il est essentiel d'assurer la plus grande liberté d'expression et donc, l'occasion pour les médias d'information de dénoncer les carences dans toutes les sphères de la société, y compris dans le système judiciaire, il est tout aussi essentiel de faire preuve de retenue et de prudence avant d'attaquer sans fondement la réputation d'un juge et, par ricochet, celle du système judiciaire.

La magistrature n'a de comptes à rendre qu'aux justiciables. Même si elle ne doit pas échapper à la critique légitime, elle requiert le soutien et l'engagement de tous les acteurs de la société civile. Sinon, elle risque de perdre, petit à petit, et de façon insidieuse son indépendance et sa capacité de rendre justice.

Il en va de notre démocratie. Il en va de notre liberté.