Voici ce que j'écrivais au printemps 2011 lors d'un voyage solo de deux mois en Chine: «Drôle de journée aujourd'hui lundi, je ne savais pas que la fête des Travailleurs se poursuivait. Je suis donc partie de bon matin pour profiter de la fraîcheur toute relative, il fait 30 degrés, pour me rendre à Tiananmen. Je suis fière de moi, j'ai pris le bon autobus et suis descendue au bon endroit. Première surprise, la plus grande place sur terre est bondée. Je ne vois pas la bordure du trottoir et je tombe pour la deuxième fois sur le même genou, le même bout de nez. Je suis étourdie, mon appareil photo est à cinq pieds de moi et ne vois pas mon sac à dos. À ce moment, je pense à une phrase déjà entendue: «S'il t'arrive quelque chose et qu'une personne ou deux se trouvent près de toi, elle t'aideront. S'ils sont 10, ce sera long avant qu'une seule se décide à t'aider, et s'ils sont 100, bonne chance.» Autour de moi, ils sont un millier. J'ai dû me ramasser toute seule.

Mes lunettes sont foutues, mon nez saigne et mon genou est ouvert, la dizaine de passants qui attendent l'autobus me regardent les regarder. Je ne sais pas trop quoi faire, j'ai mal et suis étourdie. Pourtant, je dois me relever sans aide. Je m'assois sur la bordure de la rue pour reprendre mes esprits. L'autobus arrive, les gens embarquent, je reste seule.»

Quelques semaines plus tard, je visite Jingdezhen au Jiangxi, où l'on fabrique de la porcelaine depuis 3000 ans. Un ouvrier transportant en équilibre des bols sortant du four passe près de moi et perd pied. Je m'élance pour l'aider comme je le peux et lorsqu'il retrouve son équilibre, il m'adresse le plus merveilleux sourire. La centaine de Chinois ayant assisté à l'incident m'applaudissent et veulent se faire photographier avec moi.

Chère Chine, je ne te comprendrai jamais complètement, mais cette petite laissée sans secours l'autre jour est une situation impardonnable.