De passage à Montréal, Mikhaïl Gorbatchev prône l'élimination de l'arme atomique.                

L'ex-président soviétique Mikhaïl Gorbatchev est de passage à Montréal. Il doit s'adresser aux participants d'un séminaire portant sur le leadership. C'est un domaine qu'il connaît, lui qui a présidé à la disparition de son pays, l'Union soviétique, sans effusion de sang. Il fallait du courage et du leadership pour mener une barque semblable.

À 80 ans, Gorbatchev est un habitué du circuit des grandes conférences, et parmi toutes les causes qu'il défend de par le monde, le désarmement nucléaire complet lui tient particulièrement à coeur. Si rien n'est fait dans cette direction, il craint pour l'avenir.

À la fin des années 80, Gorbatchev a été, avec son homologue américain Ronald Reagan, à la pointe du combat pour éliminer les armes nucléaires. L'époque s'y prêtait: le monde sortait de la guerre froide et les deux superpuissances détenaient des stocks d'environ 50 000 armes nucléaires de petite, moyenne et longue portée. Le spectre de la destruction de la planète lors d'un conflit hantait les esprits. Grâce à ces deux leaders, plus des deux tiers des stocks ont été éliminés au cours des 20 dernières années. Ce processus de désarmement entre les deux superpuissances a eu un effet d'entraînement chez d'autres. Ainsi, l'Afrique du Sud et le Brésil ont renoncé à leur programme nucléaire.

Cependant, la dynamique enclenchée par Gorbatchev et Reagan n'a pas été suivie par tous et s'est même essoufflée. Le club nucléaire est passé de cinq à neuf membres avec l'entrée d'Israël, du Pakistan, de l'Inde et de la Corée du Nord. L'Iran cherche à les rejoindre, et au moins une trentaine de pays ont les capacités de fabriquer l'arme atomique.

Du côté des grandes puissances, si le nombre d'armes atomiques a effectivement diminué, celles qui restent sont devenues plus performantes, au point où les doctrines d'emploi prévoient les utiliser pour des frappes limitées. La prolifération a sans doute été ralentie par les accords de désarmement et les pressions diplomatiques, mais l'arme nucléaire est toujours recherchée par ceux qui aspirent à un statut international et elle est souvent brandie par ses détenteurs afin de dissuader ou même de menacer.

Mikhaïl Gorbatchev invite le monde à faire un nouvel effort vers le désarmement nucléaire complet. Une première étape, écrit-il dernièrement, serait que les États-Unis ratifient le traité d'interdiction complète des essais nucléaires. La seconde amènerait Washington et Moscou à entreprendre de nouvelles réductions plus importantes des têtes nucléaires, en particulier sur les armes de courte portée. Cette étape doit être liée à l'imposition de limites sur les boucliers de défense antimissile. Enfin, troisième étape, un traité sur l'interdiction de la production de matières fissiles devrait permettre de contrôler les matières dangereuses.

Les dirigeants d'aujourd'hui sont-ils prêts à écouter M. Gorbatchev? Il semble bien que non. Les détenteurs actuels de l'arme atomique plaident la nécessité de la conserver afin de se préserver d'une menace. La dissuasion nucléaire n'a-t-elle pas évité un conflit mondial depuis 1945, prétendent-ils? Gorbatchev rejette cet argument et accuse les Grands d'immobilisme dangereux.

«En ne parvenant pas à proposer un plan convaincant de désarmement nucléaire, écrit-il, les grandes puissances dessinent par leur inaction un avenir dans lequel les armes nucléaires seront fatalement utilisées.»

Nous sommes ici en face de deux logiques implacables et tout à fait légitimes. Les armes nucléaires ont en effet changé le rapport à la guerre. Leur puissance destructrice inhibe toute prétention guerrière, du moins pour le moment. En même temps, leur seule existence ne peut exclure leur utilisation.