Faire payer à tous les religieux de Sainte-Croix la conduite pédophile de certains est injuste.

Une entente historique a été conclue entre les religieux de Sainte-Croix et l'avocat Alain Arsenault, qui dit représenter les victimes d'agressions sexuelles de certains religieux pédophiles durant plus de quatre décennies. La communauté versera une somme de 18 millions qui sera répartie entre les plaignants qui se seront manifestés au cours des cinq prochains mois. L'indemnité sera évaluée selon la gravité des cas et une lettre d'excuses du supérieur de la communauté accompagnera les sommes versées.

Personnellement, je m'oppose à une telle entente parce qu'elle ne règle aucunement la problématique de la pédophilie et elle crée une injustice envers les 95% des religieux de cet ordre qui ont travaillé toute leur vie dans l'éducation, sans salaire, généreusement, et qui ont permis à bon nombre d'adultes d'aujourd'hui d'occuper des postes clé dans la société. Faire payer à tous ces religieux les écarts de conduite de certains d'entre eux, c'est non seulement injuste, mais inacceptable.

À l'émission Enquête de Radio-Canada, on a montré le côté déviant de certains religieux de Sainte-Croix. À une époque où ils détenaient le monopole de l'enseignement au Québec, certains ont abusé de leur autorité en agressant sexuellement des jeunes qui leur étaient confiés. Tout le monde reconnaît aujourd'hui que la pédophilie est un crime et qu'une agression sexuelle sur un enfant laisse des séquelles importantes dans son développement. Il faut prendre tous les moyens pour prévenir de tels abus.

Il a fallu beaucoup trop de temps pour sensibiliser les dirigeants civils et religieux des traumatismes reliés à la pédophilie. Des témoignages éloquents nous montrent aujourd'hui l'ampleur de ce fléau. On dénonce les agresseurs, on intente des procès contre eux. Dans certains cas, on réussit à faire la preuve de leur culpabilité; mais il arrive souvent que la preuve est insuffisante, les accusés nient toute responsabilité et les victimes se sentent impuissantes et demeurent frustrées.

On ne peut changer l'histoire, mais on peut apprendre du passé. La culture du silence entourant la pédophilie est inacceptable aujourd'hui. On ne peut plus se taire face à un abuseur. C'est déjà un pas dans la bonne direction. De plus, il faut accompagner les victimes des sévices sexuels, mais aussi leurs agresseurs, en leur fournissant les soins appropriés.

Que les religieux de Sainte-Croix offrent de défrayer les coûts des soins aux victimes et aux agresseurs du passé est une chose, mais qu'ils prennent l'initiative de distribuer des millions à qui veut les réclamer, c'est une aberration qui ouvre la porte à toutes sortes d'abus, où des avocats sans scrupules se graisseront davantage et où de fausses victimes se manifesteront.

Leur supérieur a peut-être voulu acheter la paix, mais c'est le contraire qui lui arrive. Dans les mois qui vont suivre, d'autres avocats qui diront se porter à la défense d'autres victimes d'abus perpétrés par d'autres religieux, exigeront une entente semblable.

Le pouvoir de l'argent est pernicieux. Ce ne sont pas les vraies victimes qui le réclament ; ce sont ceux qui disent les défendre. Les vraies victimes, elles, veulent se libérer et vivre dans la normalité. Ceux qui les représentent veulent en faire des prostitués. Ils sont prêts à qualifier la gravité des traumatismes en quantifiant monétairement l'agression qu'elles ont subie: de l'attouchement jusqu'à la pénétration, ils évaluent une somme entre 10 000$ et 250 000 $.

Sur la pédophilie, le pape s'est excusé à plusieurs reprises. Il a même envoyé des lettres à tous les diocèses pour sensibiliser le clergé à cette problématique. Que les médias disent encore que l'Église refuse de voir la réalité, c'est irresponsable et injuste.

Avant de cracher notre venin sur les religieux, on n'a qu'à lire l'histoire de nos familles. À coup sûr, la pédophilie n'est pas réservée aux autres; elle fait même des ravages chez nos proches et nos parents.