Les jeunes restent parfois plus longtemps au cégep parce qu'ils y découvrent leur passion et changent de programme.

En entrant au cégep, les jeunes passent de l'adolescence bien encadrée à l'apprentissage de l'autonomie adulte. On expérimente et on fait des choix, y compris celui de faire le moins possible.

Mais si, comme la grande majorité des collégiens, on prend le programme choisi au sérieux, on travaille très fort, que ce soit en génie mécanique, sciences humaines ou tout autre programme.

Comment se fait-il donc que moins que la moitié des élèves complètent leur programme dans la durée normale de deux ans (pré-universitaire) ou trois ans (technique)?

L'explication se trouve dans les éléments de la vraie vie dont la comptabilité du ministère de l'Éducation ne tient pas compte.

1) Le jeune qui décide après un trimestre en sciences humaines qu'il veut devenir plombier. Je l'envoie en stage d'observation avec mon propre plombier et il s'inscrit par la suite à l'école des métiers de la construction. Il restera longtemps sur la liste d'attente avant de pouvoir commencer son cours de plombier, et c'est seulement à ce moment-là qu'il rentrera dans les statistiques du ministère. Entretemps, il compte comme décrocheur dans les données du collège Dawson.

2) Le jeune qui a toujours été assez bon en sciences de la nature au secondaire, et qui poursuit ses études en sciences au cégep - jusqu'au point où il se bute à l'algèbre linéaire. Il se fait transférer dans un autre programme et réussit. Ce faisant, il dépasse la limite de deux ans prévue pour le pré-universitaire.

3) Le jeune qui étudie en maths pour devenir l'actuaire rêvé par ses parents, mais qui découvre que sa vraie passion est dans les arts graphiques. Il change de programme : ses parents sont mécontents, mais pas lui!  Et on paie un extra pour son changement de programme.

4) Le jeune qui, après un an au cégep, est prêt pour l'université et quitte son collège pour une université dans le ROC. Il compte comme un échec au ministère.

Il serait intéressant d'adapter le système de comptabilité du ministère à ces réalités. Mais l'important, c'est de se rendre compte que le cégep coûte beaucoup moins cher aux jeunes et aux contribuables que ce même rite de passage ailleurs en Amérique du Nord.

Il y a deux ans, le cégep coûtait au contribuable québécois environ 8000 $ par année, par élève; l'élève universitaire québécois, lui, approximativement 13 000$. L'étudiant au collégial devait, et doit toujours, débourser de 1000 à 2000$ en livres, provisions et frais afférents.

Ailleurs en Amérique du Nord, les jeunes désirant poursuivre des études post-secondaires passent directement du « High School » à l'université. Là, ils font la même expérimentation et exploration qu'au Québec, mais à des coûts beaucoup plus élevés pour eux et pour les contribuables : 5000$ en moyenne en frais de scolarité, plus les livres et autres frais pour l'élève, et près de 13 000$ pour les contribuables. Notre façon de faire constitue une vraie aubaine!

L'implantation du réseau collégial et universitaire partout sur notre territoire a permis à deux générations de Québécois d'accéder à l'éducation post-secondaire. Ce faisant, nous semblons être arrivés à un équilibre plus européen que nord-américain entre la formation technique et académique.

Au lieu de se désoler du fait que moins de Québécois fréquentent l'université qu'ailleurs au Canada, ne devrait-on pas se réjouir que pour poursuivre leurs intérêts intellectuels ou leur formation «gagne-pain», les Québécois ont un choix intéressant?

Ce qui m'amène au phénomène que je crois grandissant - les jeunes qui reviennent au cégep pour obtenir un DEC technique après avoir fait le collégial pré-universitaire et un baccalauréat à l'université. Produit final: des travailleurs compétents et super instruits!

L'auteur réagissait aux propos de François Legault et de notre chroniqueur Alain Dubuc (le 6 octobre) sur les cégeps.