L'Association des sociétés de développement commercial de Montréal (qui regroupe 14 000 places d'affaires réparties dans 16 SDC) a demandé récemment à la Ville de Montréal de s'investir dans la préservation de la vie nocturne et la quiétude à Montréal.

Depuis un peu plus d'une vingtaine d'années, plusieurs villes européennes et, un peu plus tard, américaines, dont Montréal, ont connu une revitalisation de leur centre et de leurs quartiers adjacents. Cette revitalisation s'est notamment réalisée par la requalification des espaces publics et la multiplication des activités et lieux de divertissement et des événements. Cela a à la fois entraîné et été entraîné par le désir de se réapproprier les espaces centraux des villes.

Cet engouement nouveau pour l'espace urbain animé et festif apporte son lot de retombées positives sur les plans social et économique, mais s'accompagne parfois de nuisances, principalement le soir et la nuit, alors que la polarisation entre les activités urbaines s'accroît, plus particulièrement entre ceux qui veulent se reposer et ceux qui souhaitent plutôt sortir et festoyer. Montréal n'échappe pas à cette réalité. Dans le monde, certaines villes, particulièrement en Europe, ont déjà quelques années d'expérience de gestion de la vie nocturne. Voyons brièvement les différentes approches adoptées.

Les échecs

Paul Chatterton et Robert Hollands, pour ne nommer que ceux-là, rapportent que le premier réflexe des villes afin d'endiguer les nuisances liées à la vie nocturne est souvent d'adopter des mesures disproportionnées, répressives et pouvant mener à la judiciarisation des conflits. En effet, dans plusieurs villes européennes, les plaintes répétées de riverains ont incité leurs représentants élus à réagir promptement et avant même d'avoir une idée globale des expériences étrangères et une connaissance suffisante des enjeux liés à la vie nocturne. Nous ne connaissons aucune ville où une telle approche a permis de préserver à la fois la vie nocturne et la qualité de vie des riverains.

Par exemple, à Paris, la fermeture de plusieurs établissements de nuit par les autorités parisiennes suite à une intensification du nombre de plaintes, cela en même temps que la récession économique, a conduit 1500 professionnels de la nuit (organisateurs d'événements, propriétaires d'établissements de nuit, associations de professionnels, etc.) à signer une pétition décriant haut et fort la mort de la vie nocturne parisienne. La réputation de la ville comme lieu animé s'en est trouvée entachée, causant des pertes économiques non négligeables. Très rapidement, les autorités municipales ont tenu des états généraux sur les nuits parisiennes et enclenché ce que nous convenons de nommer une approche gagnante.

Une approche gagnante

Nous avons recensé six principales villes dont l'approche a généré des retombées positives : Madrid, Barcelone, Paris, Toulouse, Grenoble et Lausanne. Dans ces villes, l'approche coercitive n'est pas une option, du moins pas la seule. Il y a bien sûr des contraventions pour contenir les excès commis en matière de pollution sonore, d'insalubrité, de violence, etc. Mais il y a plus que cela : la prévention, la concertation et la médiation. Aussi, on y considère que les nuisances liées à la vie nocturne ne sont pas seulement du ressort des propriétaires d'établissements ouverts la nuit, mais également de leur clientèle, et donc, plus généralement, du public.

Afin d'assurer une cohabitation harmonieuse entre les activités nocturnes et les riverains, certaines villes n'hésitent pas à mettre sur pied des campagnes de sensibilisation qui invitent à se comporter avec civisme, des brigades de médiateurs chargés d'informer les propriétaires d'établissements, leur clientèle et de désamorcer les conflits par la discussion entre parties adverses, des comités permettant des échanges entre les représentants des riverains, des propriétaires d'établissements, de la police, etc., et même des programmes de soutien financier à l'insonorisation des lieux de diffusion musicale. Le tout, la plupart du temps, dans le cadre d'une charte pour la qualité de la vie nocturne.

Montréal est grandement réputée pour la qualité de sa vie festive et nocturne, laquelle est responsable d'une bonne partie des 2,1 milliards $ en retombées touristiques annuelles. Cet afflux économique procure des milliers d'emplois et, a fortiori, rend accessible aux Montréalais et aux Québécois une très grande qualité et diversité d'activités de socialisation autant festives, artistiques que culturelles. Montréal doit ainsi se doter d'outils afin de préserver son importante vie nocturne tout en assurant la quiétude dans les milieux de vie. Pour ce faire, il serait souhaitable de s'inspirer du succès découlant du projet pilote de sensibilisation mené avec succès depuis le mois de juin dernier dans 35 bars et restaurants de l'avenue du Mont-Royal. La Ville doit également se doter rapidement d'une charte pour la qualité de la vie nocturne et mettre en place dès l'été 2012 une importante campagne de sensibilisation invitant à festoyer avec civisme ainsi qu'une brigade de médiateurs chargés de prévenir et dénouer les conflits.