Il allait fêter ses 100 ans mercredi, et pourtant, Pierre Dansereau affichait l'enthousiasme et l'émerveillement d'un enfant...

Le «père de l'écologie au Québec», décédé jeudi dernier, aura certes laissé une contribution scientifique immense. Il aura travaillé toute sa vie à réconcilier les sciences humaines et naturelles, à mieux comprendre l'interdépendance de l'homme et de la nature, à chercher des solutions aux maux environnementaux modernes. Mais ce que l'«écologiste aux pieds nus» lègue en effet, d'abord et avant tout, c'est cet optimisme à tout crin qu'il a toujours su garder, malgré la multiplication des menaces qu'il n'a cessé de dénoncer comme scientifique, militant, pédagogue, humaniste.

«Je suis optimiste bien malgré moi, a-t-il déjà dit. Car je suis venu au monde avec la vocation du bonheur. Je crois que nous allons nous en tirer, que nous ferons ce qu'il faut faire à temps pour éviter le pire.»

Et en cela, Pierre Dansereau se distinguait d'autres pionniers du mouvement écologiste, ces sages qui peinent de plus en plus à garder le sourire en constatant le piètre état de la planète qu'ils lèguent à leurs petits-enfants.

David Suzuki (75 ans) ne le cache pas: «Plusieurs d'entre nous sont en train de désespérer.» Pensons à l'astrophysicien Hubert Reeves (79 ans), qui prédit l'extinction de l'espèce humaine. Ou encore à l'urbaniste Jane Jacobs, qui a écrit, deux ans avant sa mort, que les fléaux des sociétés occidentales sont tels qu'ils nous mèneront inévitablement à notre perte.

Au contraire, Pierre Dansereau se tenait loin de ces discours catastrophistes. Jamais un mot plus haut que l'autre, il se «cramponnait», selon ses propres mots, à l'idée que «de nouvelles ressources» seront trouvées, un jour.

Miser sur la compassion et l'imagination, voilà comment il croyait possible d'«inventer l'avenir», de créer un «nouveau modèle de solidarité biologique à l'échelle planétaire». Il prônait, en ce sens, l'«austérité joyeuse», une simplicité volontaire de son cru axée davantage sur la conservation que sur la restriction.

L'amertume, la frustration? Peu pour lui, ce qui lui a permis d'éviter de tomber dans le travers d'une certaine frange d'éducateurs en environnement qui, ces dernières années, ont quelque peu délaissé l'éveil à la nature pour un discours un peu trop axé sur les menaces qui pèsent sur la planète.

De la même manière, Pierre Dansereau s'est toujours refusé à donner la leçon, de tenir un discours moral et moralisateur, de verser dans tout dogmatisme. «Je ne suis pas assez sûr d'être en possession de la vérité pour croire que tout le monde devrait se déplacer vers la gauche», confiait-il dans un livre d'entretien fascinant qu'il a réalisé avec la cinéaste Thérèse Dumesnil.

Modèle de rigueur et de curiosité, ce libre penseur continuera, assurément, d'influencer de nombreuses générations par ses recherches, ses idées, mais aussi ses valeurs, aussi actuelles qu'il y a 100 ans. «Je vais disparaître un jour, prédisait-il, mais mon nom me survivra...»

francois.cardinal@lapresse.ca