L'attentat raté survenu il y a une semaine contre Raynald Desjardins, un membre influent de longue date du crime organisé de Montréal, risque de raviver une fois de plus les tensions entre différentes factions de la mafia. Pourtant, presqu'une année s'était écoulée sans que n'éclatent des coups de feu depuis l'assassinat spectaculaire du patriarche de la mafia de Montréal, Nicolo Rizzuto, en novembre dernier.

Le dernier incident en lice démontre plutôt que la situation est encore très instable au sein de la mafia de Montréal, puisque ni l'un ou l'autre des clans en position ne semble être parvenu à prendre le contrôle définitif des opérations criminelles. Et la tentative de meurtre contre Desjardins laisse présager qu'il y aura des représailles à coup sûr.

Jamais la mafia de Montréal n'avait connu autant de violence, au point de décimer en peu de temps le clan sicilien que d'aucuns considéraient jusqu'alors invincible. Il aura fallu l'arrestation surprise de Vito Rizzuto en 2004, puis l'opération Colisée en novembre 2006, pour que tout s'écroule.

Les mafiosi le savent, il ne faut jamais tenir les choses pour acquises. Les Siciliens sont bien placés pour le savoir, car tout est relatif dans ce milieu à la fois si obscur et si volatile. C'était pourtant bien les Rizzuto qui, 30 ans plus tôt, avaient mis fin brutalement au règne des Calabrais en faisant éliminer les frères Violi. Mais voilà, le retour du balancier, bien que sans doute survenu tardivement, aura frappé irrémédiablement et sans pitié le clan sicilien.

Qu'adviendra t-il maintenant de cette mafia en débandade? Qui remplacera ces leaders charismatiques qu'ont été les Cotroni et les Rizzuto et qui ont régné pendant des décennies sur Montréal?

Car il faut bien l'admettre, l'ère des longues dynasties mafieuses est belle et bien révolue. Aujourd'hui, on a qu'à regarder ce qui ce qui se passe au sein des familles new-yorkaises de la Cosa Nostra, pour se rendre compte que des chefs de familles sans expérience se succèdent et se font arrêter par les policiers presque aussitôt après leur nomination, comme ce fut d'ailleurs le cas de Salvatore Montagna.

La mafia de Montréal ne réussira à s'imposer une fois pour toutes seulement lorsque les canons se seront tus. Dès lors, ce sera le signe manifeste qu'elle sera en contrôle de la situation. Car, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la mafia a toujours servi de modèle aux autres organisations du milieu interlope. Elle est celle qui garantit une paix sociale, qui dispense la «justice», qui règle les problèmes de tous et chacun. Elle assure en quelque sorte une stabilité dans un milieu où les lois sont brutales, implacables.

Mais pour cela, la mafia doit pouvoir compter sur un leader capable d'imposer son autorité tout en s'assurant de l'appui et le soutien de la base de l'organisation que sont les soldats. Pour l'heure, la mafia de Montréal n'en est pas encore rendue là.