L'auteur a occupé plusieurs postes ministériels sous les gouvernements de Robert Bourassa et Daniel Johnson. Il est actuellement administrateur de sociétés.

Voilà plus de trois ans que les allégations sur la corruption et la collusion des acteurs directs et indirects du secteur de la construction alimentent presque quotidiennement l'actualité québécoise. Comme les animaux malades de la peste, ils n'en meurent pas tous, mais tous sont frappés par cette psychose : les syndicats, les fonctionnaires, les constructeurs, les firmes de génie-conseil et bien sûr, les politiciens fédéraux, provinciaux et municipaux. Le rapport Duchesneau ne constitue que le dernier feuilleton de cette interminable saga.

Cela crée une atmosphère qui empoisonne la vie publique.

Il est évidemment essentiel de lutter contre la collusion et les autres malversations. Les vraies enquêtes doivent se poursuivre et les fraudeurs présumés être traduits en justice.

Mais si l'on veut assainir le climat politique et social, il faut prendre le taureau par les cornes et oser aller au coeur du problème, celui du financement des partis politiques. Il est là le talon d'Achille de toutes ces histoires.

Les citoyens établissent un lien entre les pratiques douteuses ou carrément frauduleuses et le versement de dons aux partis politiques. Ce jugement est court et manque certes de nuances, mais il demeure implacable. Il faut briser ce lien définitivement.

À titre de député et de ministre, j'ai été très actif dans le financement d'un parti politique. J'ai organisé toutes sortes d'activités de financement et j'ai sollicité des centaines de personnes. Je n'ai jamais été à l'aise dans ce rôle, même si j'ai toujours eu conscience d'agir dans le respect des lois.

Si l'on veut recueillir 2, 3 ou 4 millions de dollars par année pour faire vivre adéquatement un parti politique, il est illusoire de penser qu'on va atteindre cet objectif uniquement avec des «contributions populaires», des dons de 10$ ou de 100$ de simples militants convaincus. Nous n'avons pas le choix de solliciter des gens plus fortunés, notamment dans les firmes de génie-conseil, de grandes et moyennes entreprises, des bureaux d'avocats et des firmes de comptables et de communication.

Ces gens-là ont beaucoup de liens avec les pouvoirs publics et ils sont sollicités par tous les grands partis politiques, à tous les niveaux.

Le défi de financement d'un parti politique demeure le même au Parti libéral, au Parti québécois et à l'ADQ (et au niveau municipal). Personne n'achète un politicien en participant à un cocktail ou un souper-bénéfice d'un parti politique à 500$ ou 1000$ le couvert. Mais l'apparence compte autant que les faits. Il y a un indiscutable rapprochement entre les grands donateurs et les politiciens et on ne peut pas empêcher les citoyens de soupçonner qu'il y a anguille sous roche.

Je propose donc que le financement des partis politiques, tant à l'échelle de tout le Québec qu'au niveau municipal, soit assuré à 100%, respectivement par le gouvernement et les municipalités. Les ministres et autres élus doivent pouvoir agir en toute indépendance d'esprit. Ils ne devraient pas être contraints, au nom de leur appartenance et de leur loyauté à une organisation politique qui ne vit pas de l'air du temps, de solliciter des donateurs.

De plus, tous les partis politiques seraient traités sur le même pied. Le financement public serait établi sur la base de critères objectifs, notamment sur le nombre de votes recueillis lors du dernier scrutin.

Au gouvernement du Québec, cela représenterait certes une dépense additionnelle de quelques millions de dollars. Cette dépense serait largement compensée par la diminution significative de toutes les enquêtes et vérifications qui sont effectuées pour donner suite à des allégations ou rumeurs reposant sur d'hypothétiques liens occultes entre une entreprise et les élus. Et ce ne serait pas payer cher pour la confiance renouvelée des citoyens à l'égard de leurs élus.