On se demande s'il s'agit de complaisance consciente ou consentie lorsque sur nombre de dossiers municipaux, les médias se contentent de répéter ou reproduire les propos du maire Labeaume. Ce fut particulièrement le cas au sujet de l'entente de gestion entre la Ville de Québec et Quebecor. Le maire répétait que si elle n'était pas signée au plus tard le 7 septembre dernier, c'est tout le projet du nouvel amphithéâtre qui serait alors compromis.

Cette menace, certains diraient ce chantage, est d'autant plus invraisemblable que le premier ministre tout comme la chef de l'opposition ne s'opposent pas au projet d'amphithéâtre. Elle est aussi rendue crédible aux yeux du public que parce que les médias, radio, télé et presse écrite, relaient bêtement le message du maire, tout comme ceux des promoteurs et entrepreneurs de tout poil, chambres de commerce comprises.

Cette façon de faire de la politique est symptomatique de la perte de sens critique dans une société hypermédiatisée comme la nôtre : il n'y a plus de distinction faite entre les « réalités » et les « idéologies ». On décroche tous du réel au profit, dirait le philosophe français André Comte-Sponville, de l'idéologie de « la généralisation abusive d'un point de vue particulier. »  Et, poursuit-il, « l'idéologie, en démocratie, secrète la menace, le chantage, c'est-à-dire la prise en otage de l'opinion publique à coup de semonce. »

Nous avons tous été à même de le constater dans le dossier du nouvel amphithéâtre de Québec. Dès qu'une opposition s'est pointée, tous les arguments autour des opportunités d'affaires, de la création d'emplois ou des fameuses et fumeuses « retombées économiques » servis à grand renfort de « savantes » études se sont alors transformés en avertissements.

Dans cette fusion de l'idéologie à la réalité, les retombées très virtuelles du projet promises par notre maire deviennent des « pertes » réelles dans l'opinion publique, alors qu'il n'en est rien ! Il crie même que « quelqu'un devra payer » (si le projet échoue), menace vide reproduite à la une de nos gazettes locales.

Dans ce contexte, la limite de la démocratie municipale est vite atteinte: on ne vote plus sur les valeurs économiques, sociales ou éthiques d'un projet, mais sur les dangers imaginaires ou virtuels d'être d'une certaine façon responsable d'avoir éventuellement saboté ou perdu ledit projet. On nage en plein délire, tout comme à Montréal sous le maire Jean Drapeau dans les années précédant les Jeux olympiques de 1976.

Voilà pourquoi il devient logique pour des citoyens d'appuyer l'entente Péladeau-Labeaume sans jamais que ces mêmes citoyens, qui ne sont que les payeurs de taxes et pourvoyeurs de fonds du projet, n'en connaissent véritablement ni les tenants ni les aboutissants.

Il faut alors comprendre que nos élus municipaux au pouvoir ont déjà conclu que les citoyens responsables, soucieux de comprendre les enjeux d'un projet pour mieux être d'accord ou même, très légitimement, être en désaccord ne sont que des geignards chroniques, à la limite, des nuisances publiques.  

C'est là-dessus que notre maire fonde, avec succès, son pouvoir d'imposer son point de vue : sur l'ignorance du réel, du vrai. Avec lui, toutes les critiques nuancées sur le fond, comme sur le processus de l'entente avec Quebecor, perdent leur pertinence, car dans son univers, on ne vote pas à partir de ce qui est bon ou mauvais ou sur ce qui est vrai ou faux : on vote à partir du fait qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, donc sur une simple question d'humeurs.

Triste, triste...