La phase militaire de la crise libyenne étant sur le point de se terminer, l'ONU s'apprête à entrer en jeu afin d'aider le pays à se relever. C'est une bonne nouvelle, tant pour les Libyens que pour le monde.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, vient de recommander la création d'une mission des Nations unies en Libye, et le Conseil de sécurité devrait adopter dans les prochaines heures une résolution en ce sens.

Dans leur souci de procéder promptement, les membres du Conseil veulent ainsi répondre à deux impératifs. D'une part, ils sont déterminés à donner un visage civil et international à cette intervention commencée en mars dernier et qui apparaît encore trop comme une autre expédition militaire occidentale contre un État musulman. D'autre part, au moment où le nouveau pouvoir s'installe à Tripoli, les membres du Conseil tiennent à offrir tous les moyens possibles pour assurer la stabilité du pays.

L'ONU est le bon outil dans les circonstances. L'OTAN, pour sa part, n'est pas l'organisation appropriée. L'expérience des 15 dernières années, de la Bosnie à l'Afghanistan en passant par le Kosovo, révèle les insuffisances de l'Alliance atlantique en matière de relèvement politique, économique et social. L'OTAN est essentiellement taillée pour faire la guerre. Elle a réussi à imposer la paix en Bosnie et au Kosovo, mais - et l'opinion publique ne le perçoit sans doute pas - ce sont essentiellement l'ONU, l'Union européenne et d'autres organisations à caractère civil qui accompagnent les processus politiques et pilotent la reconstruction économique et sociale.

Enfin, politiquement, il ne serait pas judicieux de voir l'OTAN se déployer en Libye. Cela aurait des airs d'occupation, et l'expérience afghane doit ici nous conseiller la prudence.

C'est le nouveau pouvoir libyen qui a fait appel à l'ONU. Et pour cause. L'organisation jouit d'une légitimité politique incontestable et possède une expérience de 60 ans dans les missions de maintien et de consolidation de la paix. Elle peut mobiliser rapidement des ressources humaines qualifiées et mettre en oeuvre avec un degré de succès tout à fait honorable une foule de programmes. Une simple lecture des mandats des missions de paix établies depuis une décennie rend compte des tâches énormes que l'ONU accomplit chaque jour et peut entreprendre lorsque le Conseil de sécurité le lui demande.

La Libye n'est pas un champ de ruines. Elle est riche et peu peuplée. Elle dispose d'infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires en plus d'installations pétrolières. Elle a donc de précieux atouts. Malgré tout, l'appareil d'État est inexistant, et le nouveau pouvoir a établi une liste impressionnante des domaines où il voudrait voir l'ONU lui accorder une assistance: promouvoir l'État de droit, amorcer des réformes constitutionnelles et électorales, renforcer les institutions politiques, judiciaires et policières, rétablir les services publics, appuyer un processus de justice transitionnelle, protéger les droits de la personne.

À l'évidence, le chantier s'annonce imposant et il demandera un effort financier et humain considérable. Toutefois, il doit impérativement intégrer un élément essentiel: le désarmement rapide des individus, et son corollaire, la création d'une nouvelle armée nationale. Il y a en Libye trop d'armes qui circulent et trop de milices sous contrôle de chefs de guerre plus ou moins fiables. L'armée de Kadhafi s'est dispersée et celle des rebelles n'est qu'un assemblage de bandes qui ne doit sa victoire qu'aux bombes de l'OTAN et à l'encadrement de conseillers occidentaux. L'ONU ne pourra réussir son mandat que si le contrôle des armes et de la force légitime est assuré par un pouvoir stable.