Au Québec, toute référence à une hausse potentielle du salaire de nos élus relève tout simplement du tabou (surtout en une période où cette fonction s'attire le cynisme de la population). Pourtant, le salaire de nos élus du Québec n'incite pas les éventuels candidats à mettre leur visage sur un poteau. Solution? Diminuons le nombre d'élus et augmentons la rémunération de base de ces derniers.

Les députés provinciaux du Québec gagnent un salaire de base de 85 388$ par an, alors qu'un député fédéral reçoit 157 731$ par an. Un député de l'opposition du NPD a donc un salaire de base dépassant de près de 85% le salaire d'un député siégeant à l'Assemblée nationale. Notons que le premier ministre du Québec a une rémunération de base de 175 045$ par an, quelque 18 000$ de plus qu'un député d'arrière-ban siégeant aux Communes.

Bien que pour plusieurs citoyens, ces salaires paraissent hors de portée, il faut remettre les choses en contexte: valoriser le travail des députés est une façon de se réapproprier nos institutions, de regagner confiance en nos élus et d'améliorer notre sort collectif. Plusieurs candidats d'exception passent leur tour en considérant les sacrifices à faire pour aider leur patrie: soupers spaghetti, assemblées de Chevaliers de Colomb, assemblées annuelles de clubs de l'âge d'or, événements communautaires, et surtout voir sa vie personnelle passée au peigne fin par des médias qui ne pardonnent pas à l'être humain d'être humain.

Un député doit accepter de fournir des disponibilités presque totales, de vivre en état de précarité d'emploi récurrente tous les quatre ou cinq ans et de composer avec une charge de travail équivalant à celle de plusieurs gestionnaires travaillant dans les grandes entreprises. Ne serait-il pas adéquat que le salaire soit compétitif? Si ce que nous voulons, ce sont des élus ayant les connaissances et les compétences pour améliorer la gestion et l'avenir de notre province, il faut accepter de les rémunérer suffisamment pour le travail qu'on leur demande de faire.

On entend souvent que la gestion des finances publiques est complexe et que tous doivent participer aux efforts en cette période d'austérité. Voici donc une proposition simple permettant de faire d'une pierre deux coups: réduire le nombre de députés et augmenter la rémunération de base de ces derniers. Cela permettrait d'augmenter le pouvoir d'attraction de la politique provinciale pour des candidats intéressants tout en diminuant la masse salariale liée à l'ensemble de la députation québécoise.

Récemment, on a laissé sous-entendre que l'on pourrait ajouter trois députés de plus au Québec pour tenter de rééquilibrer la carte électorale. Nous croyons que ce serait une erreur et qu'il faut plutôt en retrancher au moins 26 pour en conserver 99.

En Ontario, il y a 13,2 millions d'habitants et 107 députés provinciaux, ce qui donne un ratio arrondi de 123 000 habitants par député. Le même ratio à la Chambre des communes est de 110 000 citoyens par député. Au Québec, il y a 7,9 millions d'habitants pour 125 députés: un ratio d'environ 63 000 habitants par député. Le Québec a donc près de deux fois plus de députés par habitant qu'en Ontario ou qu'aux Communes. En abaissant le nombre de députés à 99, on obtiendrait un ratio d'un député pour environ 80 000 habitants.

En augmentant la rémunération de base des députés à 125 000$, cela représenterait une hausse d'environ 4,7 millions de dollars sur la masse salariale annuelle. Toutefois, nous bénéficierions collectivement d'une baisse du coût net de notre système démocratique.

En réduisant le nombre total de députés à 99, on se retrouverait avec une baisse des dépenses d'environ 9 millions. Ce qui compenserait largement la hausse salariale totale proposée de 4,7 millions des salaires des autres députés.

Évidemment, une révision du nombre de députés nécessite une refonte de la carte électorale. Nous sommes conscients que ces changements ne se feraient pas facilement et sans heurts.

Nous sommes de ceux qui croient que la fonction de député est noble et que collectivement, nous avons les élus que nous méritons. Pour que les meilleurs d'entre nous acceptent de se consacrer aux défis importants des prochaines décennies, acceptons de mieux les payer.

Paul-Antoine Jetté

Kesnel Leblanc

Pierre-Yves McSween

Les auteurs sont des comptables agréés.