Les États-Unis ont présenté la mort d'Oussama ben Laden, le 1er mai dernier, comme une grande victoire: c'est que tout le pays avait un besoin impérieux de cette revanche sur le chef de l'organisation qui a fomenté les attentats du 11 septembre 2001. À l'heure du 10e anniversaire de ces terribles attaques, il convient de dresser un état des lieux du terrorisme.

Depuis 10 ans, la menace qu'Al-Qaïda faisait et fait peser sur nos sociétés a été érigée en obsession. Certains y ont vu - et continuent à y voir - une nébuleuse tentaculaire, capable de frapper n'importe où, n'importe quand. D'autres soulignent sa perte de puissance depuis 2002 et plus encore depuis la disparition récente de son chef. Si l'organisation s'est profondément transformée et a effectivement vu son ascendance globalement diminuer, elle n'en conserve pas moins une capacité de nuisance.

Al-Qaïda dans la péninsule arabique ou Al-Qaïda au Maghreb islamique - pour ne mentionner que les «affidés» les plus actifs - tentent de perpétuer les méthodes d'Al-Qaïda central, mais avant tout dans le cadre d'objectifs régionaux.

Est-ce à dire que la menace terroriste se résume aux seules organisations islamistes? On fera bien sûr observer que ces dernières années ont été marquées par des attentats perpétrés - de l'Indonésie à l'Irak, de l'Espagne au Royaume-Uni - par des groupes se revendiquant d'un islam radical. Ou encore que les plus récentes «innovations» - recours fréquent à des attentats-suicides, mise sur pied d'attaques coordonnées de grande ampleur, utilisation de l'internet - trouvent des échos de la Tchétchénie au Nigeria, voire auprès de jeunes musulmans radicalisés résidant dans les pays occidentaux.

Mais on aurait tort de croire que ces groupes dits islamistes représentent les seules menaces terroristes. Ces dernières sont au contraire multiples et tendent de plus en plus à se diversifier. Les récents attentats de Norvège sont venus nous le rappeler de manière brutale. Le terrorisme est une stratégie de l'action violente, et a de tout temps été utilisé par des organisations d'affiliations idéologiques diverses, et aux objectifs tout aussi variés: extrême droite, extrême gauche, nationalistes, défense des animaux, de l'environnement... Et jusqu'alors, la résonnance de ces terrorismes-là restait relativement limitée.

De fait, le 11-Septembre a profondément modifié notre perception du terrorisme et Al-Qaïda en est devenue le symbole. Mais c'est aussi l'arbre qui cache la forêt.

Aussi surprenant que cela puisse apparaître, le nombre global d'attentats a diminué depuis le milieu des années 2000. L'Amérique du Nord reste traditionnellement peu visée, même si plusieurs complots ont été déjoués ou ont échoué.

La menace est avant tout régionalisée: après l'Amérique latine dans les années 1970, le Proche-Orient dans les années 1990, l'Irak et l'Afghanistan/Pakistan représentent aujourd'hui les principaux pôles d'activités terroristes. Pourtant, la couverture médiatique dont bénéficient ces conflits et la dimension transnationale de nombreux groupes terroristes rendent cette menace plus perceptible en Occident. Ce sentiment est encore renforcé par l'embrigadement de ces jeunes, partis combattre au nom d'un djihad idéalisé dans des contrées lointaines, ou radicalisés par l'intermédiaire de l'internet.

Le terrorisme est sujet à de multiples transformations, que les moyens de communication et les effets de la mondialisation ne font qu'accélérer. Loin de contenir ces menaces, les politiques menées au cours de ces 10 dernières années - particulièrement l'intervention en Irak et la «guerre contre le terrorisme» - ont contribué à banaliser le recours à une violence aveugle. D'autant que les individus décidés à recourir à cette violence extrême ont compris que la loupe médiatique donnait à leurs actions l'ampleur et la visibilité recherchées.

La menace terroriste est donc bien présente. Multiforme, elle reste une composante de l'évolution de nos sociétés.