M. Cardinal, j'ai été interpellée par votre article affirmant que les maires de la métropole étaient coupables d'une «grande irresponsabilité financière et un déplorable laisser-aller urbanistique», dans leur incapacité à prioriser l'un des trois projets de prolongement du réseau de métro à Montréal, Laval et Longueuil.

Tout d'abord, je m'interroge sur la pertinence de la surenchère politique sur la place publique avec le prolongement du métro présentement, étant entendu que le bureau de projet de l'AMT est en plein travail, son mandat étant bien balisé et son échéancier très clair!  Alors, laissons-le travailler.

Des consensus

Ensuite, le consensus que vous évoquez relativement au prolongement de la ligne bleue est-il bien fondé ? Il y a bien un décret daté de 1999; mais depuis, le seul consensus que je connaisse est celui qui veut que le bureau de projet de l'AMT étudie simultanément les trois projets de prolongement pour mesurer le potentiel d'achalandage de chacun des prolongements et les coûts reliés à leur réalisation. Ultimement, ce sont ces critères qui vont dicter les choix du gouvernement pour la phase 3 des études. Cela viendra dans 18 mois environ. Où est l'urgence de faire consensus, alors que les études simultanées ne sont pas encore complétées?

Un consensus, un vrai, est intervenu à la veille du budget Bachand, quand les maires se sont ralliés autour de l'idée d'une taxe graduelle sur le litre d'essence, afin d'assurer le financement à long terme du transport collectif. Cela a été totalement ignoré par le gouvernement du Québec. Force est d'admettre que les villes subissent une forte demande pour un accroissement de l'offre en transport collectif, mais que le financement nécessaire n'est pas au rendez-vous.

Autre consensus, dans les commentaires adressés relativement au projet de Plan métropolitain d'aménagement et de développement (PMAD), tandis que les maires se sont entendus sur l'importance de densifier le territoire plutôt que de l'étaler.  Des consensus donc, il y en a.  Mais, en bout de ligne, qui décidera?

La grande région métropolitaine

L'Agence métropolitaine de transport (AMT), la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), le ministère des Transports (MTQ),  le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire (MAMROT) participent tous au développement du réseau de transport et au développement du territoire dans la grande région métropolitaine. Toutefois, il n¹existe pas de ministère de la métropole à proprement parler,ni de comité ministériel de la métropole, ni de table de discussion politique sur les enjeux métropolitains.

Il existe bien une table Québec-municipalités (TQM), une table Québec-régions (TQR), mais pas de table Québec-région métropolitaine. J'aimerais bien porter mon chapeau métropolitain aussi souvent que mon chapeau de mairesse, mais dans le cadre de quel forum?

Jeux de pouvoir

Les maires débattent effectivement de transport collectif à l'AMT et à la CMM. Il serait naïf de croire qu'on n'y prêche pas également pour sa paroisse. Le maire qui ne se battrait pas farouchement, bec et ongle, pour le prolongement du métro sur son territoire serait mis au pilori par ses citoyens. Faire consensus sur cette question serait tout comme lui demander de sauter son tour et surtout celui des usagers du transport collectif de son territoire. Les maires ne peuvent pas ici être juges et parties.

Lors de mes discussions avec mes collègues, comment puis-je faire abstraction du fait que le réseau de métro à Longueuil a été inauguré il y a plus de 40 et qu'il n'a jamais été prolongé depuis lors? Que le pont Champlain doit être remplacé, ou encore que le pont tunnel Louis-Hyppolite-Lafontaine doit faire lui aussi l'objet de réparations majeures ?  Dois-je taire également que la circulation des marchandises et des citoyens sera perturbée sur la rive-sud au cours des 10 prochaines années en raison de l'ampleur des travaux et ignorer que c'est le temps où jamais d'offrir sur la rive-sud des alternatives de transport collectif, comme le prolongement du métro ?

L'usager au coeur de la décision

Au-delà des consensus, il faut que les décisions autour du prolongement du métro placent l'usager, le payeur de taxes, au coeur du processus. Et parce que toutes les villes subissent une pression accrue pour développer le transport collectif, il importe de faire reposer les décisions relatives au prolongement du métro sur certains critères tels que desservir les clientèles existantes, servir d'outil de densification plutôt que de développement du territoire et assurer un mode de financement adéquat qui permettra de maintenir les tarifs bas.

D'ici là, si on veut des consensus à tout prix, il appartiendra au gouvernement du Québec de fournir aux maires le forum adéquat pour discuter et arbitrer les enjeux métropolitains.  Ce forum permettrait par exemple de clarifier la vision du développement, la gouvernance et le financement du transport collectif.  Les usagers actuels et futurs ne s'attendent à rien de moins.