Cette semaine, le consulat des États-Unis à Montréal a dévoilé une plaque commémorative à l'endroit où la légende de baseball Jackie Robinson a résidé au cours de l'été qu'il a passé avec les Royaux de Montréal.

Plus de 65 ans ont passé depuis que Jackie Robinson a rejoint les Royaux, marquant le début de la «grande expérience» qui a permis à Robinson de devenir le premier joueur noir à briser la barrière de la race, laquelle semblait impénétrable dans le baseball majeur.

À l'époque, de nombreux Américains blancs entretenaient la perception raciste que les Noirs étaient un peuple inférieur et qu'on pouvait retirer leurs droits civils. Dans le Sud des États-Unis, des politiques racistes étaient pratiquées dans de nombreuses institutions. Il semble paradoxal que les États-Unis, qui venaient de combattre le régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale, aient supporté une telle discrimination.

L'opinion des propriétaires et des joueurs de baseball était un microcosme de l'opinion sur la place de la population noire dans la société américaine. En 1946, 15 des 16 principaux propriétaires de club de la ligue avaient voté contre l'intégration des Noirs dans le baseball professionnel. La seule exception a été Branch Rickey, PDG et copropriétaire des Dodgers de Brooklyn. Il avait affirmé que «le plus grand réservoir inexploité de matière première dans l'histoire du jeu est la race noire (qui) fera de nous des gagnants pour des années à venir». Rickey s'est attelé à convaincre l'industrie du baseball que sa cause était juste. En Jackie Robinson, Branch Rickey a trouvé le joueur idéal.

En octobre 1945, l'embauche de Jackie Robinson par les Royaux de Montréal a généré une énorme controverse aux États-Unis. Le joueur étoile du Texas, Roger Hornsby, a affirmé que cela ne pourrait pas fonctionner. Le lanceur Bob Feller et d'autres soutenaient cette décision, en autant qu'aucun joueur noir n'évolue dans leur équipe.

En octobre 1946, Robinson a mené les Royaux de Montréal à leur premier titre dans la Série mondiale junior. Ce n'est pas tout à fait clair que la plupart des Montréalais avaient compris, en 1946, le rôle historique que leur ville jouait dans la «grande expérience». Selon un observateur, la présence de Robinson au Canada constituait une «ironie sans équivoque» puisque «l'intégration des Noirs dans le baseball, le passe-temps national des États-Unis, serait accomplie en grande partie à l'extérieur des frontières de ce pays».

Jackie Robinson a décrit la population de Montréal comme étant «ouverte et chaleureuse» envers lui et son épouse Rachel. Les Robinson ont loué un appartement dans un quartier majoritairement francophone, au 8232, rue de Gaspé, au nord de la rue Jarry. Compte tenu des difficultés rencontrées afin d'obtenir un logement dans les quartiers blancs des États-Unis, les Robinson ne savaient pas à quoi s'attendre à Montréal. Ils ont remarqué que lorsque les gens les observaient dans la rue, les regards étaient sympathiques.

Par leur soutien à Jackie Robinson au cours de la saison 1946, les amateurs de baseball de Montréal avaient de quoi être fiers. Ils ont donné l'exemple à la population américaine. Ce serait cependant une erreur que l'histoire de Robinson nous fasse perdre de vue que le racisme demeure un problème à Montréal et sur l'ensemble du continent. Elle devrait plutôt nous servir de rappel quant à l'importance de continuer à lutter pour l'égalité et la justice pour tous.

Jack Jedwab