«Agir comme un gros maire» est une expression que j'ai entendue pour la première fois de la bouche du maire Régis Labeaume. Elle dépeint très bien ces nombreux maires qui agissent comme des rois sur leur territoire. Ils veulent être partout, être de tous les comités, avoir toujours le dernier mot. Comme une profession de foi, ils prétendent bénéficier d'une immunité pour tous leurs actes.

Chaque jour, les journalistes rapportent de tels comportements: des maires qui favorisent l'embauche des enfants de leurs amis entrepreneurs, qui acceptent des voyages sur de gros bateaux ou dans de gros châteaux tous frais payés, qui sont les premiers à bénéficier de l'installation d'éoliennes sur leurs propres terres, qui mêlent sans gêne liens d'affaires et liens d'amitié dans l'exercice de leurs fonctions, des maires pour qui la proximité devient de la promiscuité avec le cabinet d'avocats, etc.

Ce qui me fascine par-dessus tout, c'est la passivité de certains élus. Ils ne semblent pas avoir compris que la société a changé et que de tels comportements trop longtemps tolérés, voire acceptés, ne le seront plus.

La professionnalisation de plus en plus de «journalopoliciers», les chaînes de nouvelles en direct, les langues de bois qui se délient à la Marc Bellemare, les citoyens qui se posent enfin des questions lorsque leur trottoir est refait tous les cinq ans, sont tous des phénomènes qui ne feront que s'amplifier, si bien que les maires à l'éthique élastique n'arriveront plus à se cacher.

De plus, l'«écoeurantite» aiguë des citoyens se manifeste de plus en plus, ils veulent que les choses changent. Depuis deux ou trois ans, à l'image d'autres sociétés développées, le Québec est rapidement entré dans une époque de «crise de confiance».

En conséquence, nous sommes passés, en l'espace de quelques années, d'une société ou l'éthique en était une de «parade» à soudainement une société où on exige l'éthique de «l'universitaire», celle de monsieur Parfait. Le journaliste et le citoyen, bien qu'eux-mêmes imparfaits, ne laissent plus rien passer, que ce soit un déjeuner au restaurant ou le remboursement d'un paquet de gomme. C'est dans ce genre d'exagération que l'on tombe lorsqu'on va trop loin, trop longtemps. Le moindre écart de conduite des politiciens devient un moyen pour le peuple de s'exprimer, de se défouler.

Nos élus auront beau adopter des lois et des codes sur l'éthique, si les bottines ne suivent pas les babines, tous ces beaux documents ne serviront à rien.

Le véritable défi de nos élus et hommes d'affaires est de prendre conscience de cette nouvelle réalité, mais surtout de s'y adapter. Les «p'tits trucs» et passe-droits si longtemps tolérés ne le seront plus.

Si les «gros» maires acceptent de se conformer aux nouvelles règles du jeu, le balancier de l'éthique reviendra à un juste équilibre. Avouons que personne n'est parfait et d'ailleurs, si tel était le cas, nos journaux seraient pas mal plates...