L'adoption en deuxième lecture d'un projet de loi visant à réduire la portée du registre fédéral des armes à feu suscite une inquiétude légitime. Si la vingtaine de libéraux et néo-démocrates dissidents continuent d'appuyer le gouvernement Harper dans cette démarche, l'utilité du registre pourrait bientôt être considérablement diminuée.

Le projet de loi C-391 propose de lever l'obligation d'enregistrer les carabines et les fusils de chasse (armes d'épaule). L'enregistrement resterait obligatoire pour les armes à feu à autorisation restreinte et les armes prohibées.

Les conservateurs estiment que l'enregistrement des armes d'épaule ne contribue en rien à la prévention des homicides et coûte beaucoup trop cher. Le registre, créé en 1995 par le gouvernement Chrétien, a toujours été très impopulaire dans les régions rurales du pays. C'est pour cette raison que les conservateurs en ont fait un cheval de bataille. C'est aussi ce qui explique que des députés libéraux et néo-démocrates se sont sentis obligés de voter en faveur du projet de loi mercredi. Sans cet appui crucial, le C-391 aurait été défait.

On sait que la mise en place du programme d'enregistrement a donné lieu à un gigantesque cafouillage qui a coûté plus d'un milliard pour les contribuables. Depuis, toutefois, les problèmes ont été réglés et l'administration du registre ne coûte que 23 millions par année.

Le gouvernement Harper affirme qu'en imposant l'enregistrement des carabines et des armes de chasse, on traite les honnêtes citoyens qui les possèdent comme des criminels. Or, soulignent les conservateurs, ce sont les armes de poing, en particulier celles qui ont été importées illégalement des États-Unis, qui sont utilisées dans la plupart des homicides.

Les partisans du programme d'enregistrement rétorquent que le nombre d'homicides commis avec des armes d'épaule a diminué depuis son implantation. C'est exact mais la statistique est trompeuse; cette tendance à la baisse s'est amorcée il y a 30 ans, soit bien avant qu'on doive enregistrer les armes à feu. En outre, l'existence du registre n'a pas empêché la hausse du nombre d'homicides commis avec des armes de poing (de 70 victimes en 1998 à 121 l'an dernier).

Il ne faut donc pas exagérer l'effet bénéfique de l'enregistrement des armes à feu. Néanmoins, les corps policiers affirment que le registre leur est utile dans leurs enquêtes et interventions. Cela devrait suffire à convaincre les politiciens de ne pas le démanteler.

L'obligation d'enregistrer son ou ses armes impose-t-elle un fardeau disproportionné aux propriétaires? Non. Enregistrer une arme ne coûte rien et les formalités à compléter sont très simples.

Il est déplorable que sur une question de principe et de sécurité publique aussi importante, les chefs du Parti libéral et du NPD n'aient pas été en mesure d'imposer la discipline de parti. Souhaitons qu'ils redressent l'échine à l'occasion du prochain vote sur ce mauvais projet de loi.