Il n'y a pas qu'en politique municipale que Montréal semble être une ville maudite. Le sort s'acharne aussi sur la métropole dans le combat contre la pandémie de grippe A (H1N1). Les Montréalais seront les derniers au Québec à se faire vacciner. Pourquoi? «La région de Montréal est un cas particulier», a expliqué le ministre de la Santé, Yves Bolduc.

C'est parce que Montréal est un cas particulier qu'on pouvait voir de longues files de personnes à risque, ou de parents avec enfants de 5 ans et moins, attendre patiemment d'être vaccinés à Longueuil ou à Québec. Mais pas à Montréal, parce qu'on n'a pas encore fini de vacciner les professionnels de la santé!

Et c'est parce que Montréal est un cas particulier que, dans les journaux de lundi, de grandes pages de publicité sur le détail sur la vaccination dévoilaient l'écart criant entre l'île de Montréal et les régions avoisinantes.

À Montréal, la vaccination de masse, celle qui se destine aux adultes et aux enfants en santé, soit la majorité de la population, débutera le 7 décembre et s'étendra sur plusieurs semaines. À Laval, ça commencera le 29 novembre, une semaine plus tôt, et l'on prévoit tout terminer le 5 décembre, avant que ça commence sur l'île de Montréal. Dans Lanaudière, la vaccination générale commencera un mois plus tôt, le 9 novembre. Dans les Laurentides, ce sera le 16 novembre. En Montérégie, où il y a 1,4 million de personnes, presque autant qu'à Montréal, ce sera le 30 novembre.

Pourquoi? Parce qu'à Montréal, dit le ministre, il y a plus de professionnels de la santé à vacciner. Pas très convaincant. Avec la même logique, on pourrait dire qu'on dispose aussi de plus de ressources pour faire cette vaccination. En plus, on sait pertinemment qu'il y a eu cafouillage à Montréal la semaine dernière, quand on a pris plusieurs jours de retard pour amorcer la vaccination de ces professionnels.

En toute logique, la métropole, avec sa concentration de population, son métro, ses grands lieux de rassemblement, est sans doute plus vulnérable à une pandémie. On se serait au contraire attendu à ce que la vaccination y soit faite avec plus de diligence.

Les spécialistes de l'Agence de santé de Montréal auront sans doute d'autres belles explications: les problèmes propres aux grandes villes, la taille de sa population, la complexité de son réseau de santé. Mais on pourra répondre en rappelant les avantages de la concentration géographique, les énormes ressources sanitaires dont dispose Montréal, et le «know-how».

En principe, parce que Montréal est une métropole, c'est là qu'on devrait retrouver les spécialistes de la gestion de crise. C'est dans les grandes villes que les menaces sont plus nombreuses - épidémies, terrorisme, catastrophes. C'est donc dans les grandes villes que l'opération aurait dû être menée rondement.

Je suis donc porté à trouver des explications moins charitables. Je pars du principe que quand un travail n'est pas bien fait, c'est que quelqu'un, quelque part, est responsable. Il y a manifestement des problèmes de gestion, comme on l'a vu la semaine dernière quand on n'est pas arrivé à démarrer à temps la vaccination des professionnels de la santé.

Peut-être aussi une dérive qui a affecté le sens des priorités. Je soupçonne que la santé publique, à Montréal, à force de passer son temps à militer et à défendre des causes - le casino, le transport automobile, etc. - a fini par négliger sa mission première.

On devine que les autorités sanitaires, une fois que la pandémie sera passée, feront un bilan de leurs erreurs pour être mieux préparées pour la prochaine fois. Il aurait été tellement mieux de se préparer avant.