Le 22 octobre dernier, Mme Lysiane Gagnon, dans sa chronique intitulée «Le bon filon», dénonçait la résurgence du débat sur les accommodements raisonnables dans l'arène politique, écorchant au passage l'opposition péquiste et le Conseil du statut de la femme.

J'aimerais réagir à ses propos de deux façons.

D'abord, il est blessant, pour moi et pour toutes mes collègues du Conseil, de se voir traitées de «ligue féministe surexcitée». Le mandat du Conseil est de veiller à la protection des droits des femmes. Fallait-il ignorer les impacts du projet de loi 16 sur le droit à l'égalité? En sonnant l'alarme, le Conseil n'a-t-il pas joué la pleine mesure du rôle qui lui est dévolu? Si Mme Gagnon souhaite une société dépourvue d'un chien de garde féministe, apolitique, qu'elle le dise au lieu de critiquer de la sorte notre dynamisme et nos actions.

Ensuite, le manque de rigueur intellectuelle et journalistique dont fait preuve Mme Gagnon est inquiétant. Le Conseil n'a pas réclamé que «l'égalité entre les sexes ait préséance sur tous les autres droits». Depuis la publication de notre avis, en 2007, notre position demeure inchangée. Néanmoins, elle paraît encore incomprise de la part de Mme Gagnon. Nous la réitérons ici: le Conseil veut que le gouvernement adopte les mesures nécessaires afin que l'égalité entre les sexes ne soit pas bafouée au profit d'accommodements consentis pour des motifs religieux.

Si donc, pour prendre l'exemple de la politique de la SAAQ, une employée était effectivement brimée dans son droit à l'égalité en raison d'un accommodement religieux, cet accommodement devrait être refusé. Or, à l'heure actuelle, aucune loi ou directive gouvernementale ne prévoit spécifiquement un tel encadrement.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est chargée d'appliquer une pure création jurisprudentielle - les «accommodements raisonnables» - sans balises claires émanant du législateur. Le projet de loi 16 proposait d'encadrer la gestion de la diversité culturelle. C'était un pas vers une politique structurante à cet égard qui constituait d'ailleurs une de nos recommandations en 2007. C'est pourquoi le Conseil a proposé en commission parlementaire que soient nommément incluses dans la loi les valeurs de laïcité et d'égalité entre les sexes, marqueurs de l'identité québécoise.

Aussi, lorsque Mme Gagnon associe notre position à celle, récente, du PQ, qui a réclamé la préséance de l'égalité entre les sexes sur les autres droits de la Charte québécoise, elle fait l'économie des nuances importantes que requiert cette question complexe. Mettre des balises, un frein aux accommodements «déraisonnables», ce n'est pas créer une hiérarchie entre les droits. C'est exprimer clairement les valeurs fondamentales du Québec si souvent répétées par nos élus.

Bien entendu, on peut être d'avis, comme Mme Gagnon, que «dans une société démocratique, ce sont les tribunaux, non pas les politiciens ni les militants de tout acabit, qui doivent déterminer, selon le contexte, quel droit peut avoir préséance dans les cas où il y a conflit entre les droits». Mais si, depuis 30 ans, le Québec s'en était remis aux tribunaux pour définir la place de la langue française au Québec, la Charte de la langue française n'aurait jamais vu le jour.

Parfois, il est nécessaire et utile d'inspirer les juges. C'est ce que nous demandons au gouvernement.

Christiane Pelchat

L'auteure est présidente du Conseil du statut de la femme du Québec.