Les câblodistributeurs et les chaînes de télévision se livrent depuis quelques semaines une bataille féroce à coups de publicités dans les journaux, de sites web, de pages Facebook et de pétitions. L'enjeu: le CRTC doit-il exiger des distributeurs de signaux par câble et par satellite qu'ils versent des redevances aux télévisions généralistes comme ils le font (par ordre de l'organisme fédéral) aux chaînes spécialisées?

Pour le consommateur, à qui la facture serait inévitablement refilée, les frais supplémentaires seraient de quelques dollars par mois. Pour la télévision conventionnelle, y compris peut-être Radio-Canada, les nouvelles compensations signifieraient des revenus supplémentaires garantis de centaines de millions.

Le CRTC s'est déjà penché deux fois sur la question et a, chaque fois, rejeté les prétentions des télés généralistes. Celles-ci reviennent à la charge. Selon TVA, CTV, Global, V et la SRC, le modèle de la télévision traditionnelle ne fonctionne plus. La multiplication des canaux spécialisés et la croissance d'internet a pour effet d'éparpiller les revenus publicitaires. Comme il s'agit de sa seule source de revenus, la télé conventionnelle dit ne plus être en mesure d'assumer ses obligations (information, contenu canadien) et de satisfaire sa clientèle.

Il ne fait aucun doute que les revenus publicitaires des chaînes généralistes ont beaucoup diminué au cours des dernières années. Pour leur part, les spécialisées, qui ont accès à la fois aux redevances et à la publicité, voient leurs revenus et leur rentabilité croître sans cesse. D'où les hauts cris des généralistes. Toutefois, la solution qu'elles mettent de l'avant n'est pas meilleure aujourd'hui que lorsque le CRTC a étudié la question en 2007 et en 2008.

Grâce aux redevances, les télévisions spécialisées vivent dans un monde artificiel, ayant la certitude que, peu importent les conditions du marché, leur principale source de revenus ne se tarira pas. Ainsi, si la rentabilité des canaux spécialisés est jugée excessive, c'est que ces canaux n'ont plus autant besoin des redevances qu'à leurs débuts. Au Conseil d'intervenir en conséquence.

En ce qui a trait à la crise de la télévision conventionnelle, il n'y a qu'une solution viable: l'adaptation. Les journaux aussi voient leurs revenus publicitaires grugés par internet; réclament-ils pour autant que l'État impose aux consommateurs une nouvelle taxe? Non. Comme nombre d'industries ont dû le faire, les journaux s'adaptent à la nouvelle réalité, notamment en ajustant leurs structures de coûts. C'est ce que doivent faire les canaux généralistes.

Souhaitons que le CRTC mette un terme à ce débat une fois pour toutes.

apratte@lapresse.ca