Gérald Tremblay a survécu à la tourmente. Malgré les nouvelles troublantes sur la corruption et la collusion dans la construction qui se sont multipliées tout au cours de la campagne électorale, malgré des sondages où il était en chute libre, le maire a néanmoins réussi à conserver son poste. Mais les électeurs lui ont envoyé un message très clair.

Cette victoire à l'arraché doit en effet être remise dans son contexte. Aucun candidat n'a réussi à s'imposer ou à susciter l'enthousiasme. Déçus du choix qui s'offrait à eux, le défi des électeurs de la métropole était de réussir à déterminer lequel des trois candidats serait finalement le moins pire. Les Montréalais ont finalement conclu que ce serait Gérald Tremblay.

Ce fut un processus laborieux. Combien de gens, hier matin, ne savaient pas encore pour qui voter? Et si c'est M. Tremblay qui est sorti gagnant, cela tient sans doute moins à ce que les électeurs percevaient comme ses qualités qu'en raison des lacunes de ses adversaires.

Sa victoire, il la doit sans doute au fait que bien des gens ne voyaient pas Richard Bergeron, trop marginal et trop imprévisible, à l'hôtel de ville. Et que beaucoup de Montréalais ne pouvaient se résoudre à confier la métropole à Louise Harel, malgré sa compétence, une politicienne issue de la gauche syndicale du Parti québécois incapable de s'exprimer en anglais.

Le mandat dont dispose le maire est donc un mandat fragile. Sa victoire est serrée: 37%, contre 33%, au moment d'écrire ces lignes. Beaucoup moins que les scores dont jouissent les maires forts, comme Régis Labeaume à Québec avec ses 80%, ou Gilles Vaillancourt à Laval. Avec un taux de participation toujours faible. Et avec une répartition qui reflète l'existence d'une fracture entre les villes des anciennes banlieues qui appuyaient le maire sortant, et le centre de la ville, qui a appuyé Mme Harel.

Gérald Tremblay a survécu. Mais on peut dire que c'est un maire sous haute surveillance. Il a été reporté au pouvoir, malgré son inaction dans le dossier de la corruption. On le surveillera. On lui demandera des comptes, en espérant qu'en ce troisième et probablement dernier mandat, il réussisse là où il a échoué durant les deux premiers.

Ce dont il aura besoin, pour faire le ménage qui s'impose, ce n'est pas de probité. Rien ne permet de croire qu'il en a manqué. Ce qui lui a manqué, c'est un sens du leadership pour imposer des balises, contrôler la machine administrative, savoir ce qui se passe dans sa ville. Pourra-t-il changer? Ou pourra-t-il s'entourer d'une équipe capable de l'appuyer?

Le maire, tout à son ménage, ne devra pas oublier ses autres priorités, notamment le développement économique, l'enjeu électoral où il devançait clairement ses deux adversaires.

Mais la vérité, c'est que Montréal - et cela aurait été vrai, peu importe qui l'aurait emporté - sort très affaibli de cette campagne électorale et des révélations qui l'ont ponctuée. Les Montréalais ne peuvent faire autrement que d'être découragés par le grenouillage dans leur ville. Assez pour qu'il soit très difficile de les mobiliser et de susciter en eux le sentiment de fierté et l'enthousiasme constructif dont une ville a besoin pour aller de l'avant.

Comment un maire peut-il s'imposer au reste de la province, et établir des rapports de forces avec le gouvernement du Québec quand, dans les faits, Montréal risque d'être en quasi-tutelle, quand il n'a pas été démontré que la métropole mérite l'autonomie qu'elle réclame? Voilà un défi considérable. Gérald Tremblay saura-t-il le relever?

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