Se remettre à croire aux rêves, après ces semaines éprouvantes pour la démocratie municipale, participe à la thérapie citoyenne.

Les révélations successives de collusion, de financement illégal, de corruption ont occulté le programme des candidats à la mairie. Nettoyer ces pratiques et leurs associés est prioritaire. Restaurer un régime de rigueur pour éviter les abus, faire respecter des règles saines, incontournables et transparentes dans les octrois de contrats, le financement des partis politiques et l'application d'un code d'éthique sévère sont indispensables pour rétablir la réputation de Montréal, du Québec et la confiance des citoyens.

Il faut se préoccuper aussi de la vision et des projets qui mobiliseront les Montréalais au cours des prochaines années.

Une ville réussie possède souvent des attributs qui la démarquent. Sa population s'accroît. Elle gère harmonieusement une bonne diversité sociale, économique, géographique, différents groupes d'âges et de revenus, plusieurs communautés culturelles. Sa vitalité culturelle et ses valeurs environnementales la rendent vivante, facilitent son évolution. Quelques pôles de compétitivité s'appuient sur ses ressources de savoir, ses masses critiques d'entreprises et des développements novateurs. Elle se renforce par la fierté de ses citoyens et de ses employés. Des leaders charismatiques mobilisent ses forces vives.

Montréal dispose des principaux attributs pour réussir. Alors pourquoi y a-t-il une certaine morosité et un sentiment d'impuissance qui planent sur la ville? Pas de rêves signifie stagner et décliner.

Si nous rêvions Montréal? Quel projet peut la brasser, la séduire, enclencher un vaste chantier collectif ne laissant personne indifférent, et la faisant entrer pleinement dans le XXIe siècle?

Mon rêve voit Montréal devenir, d'ici 10 ans, la métropole verte durable, modèle d'Amérique du Nord.

Environnementale, elle s'appuie sur ses citoyens engagés dans le développement durable. Elle préserve et met en valeur ses espaces verts et bleus, ses berges. Elle récupère, recycle, économise, composte, nettoie, applique des normes LEED et éco énergétiques. Elle adopte des objectifs exigeants, mais réalistes pour diminuer les GES. Elle verdit ses rues, ses bâtiments, développe ses jardins communautaires, l'agriculture urbaine, les légumes dans les cours d'école et aménage ses ruelles. Elle lutte contre les îlots de chaleur. Son patrimoine est protégé.

La mobilité se renouvelle. La circulation diminue, les véhicules s'électrifient. Elle développe massivement les transports collectifs, réutilise les corridors ferroviaires, redessine ses routes. Ses quartiers multifonctionnels se revitalisent, s'identifient, encouragent les piétons et les vélos, se concentrent autour des pôles de transports collectifs.

Soucieuse d'équité sociale et respectueuse des différences, elle accueille, en français, les immigrants dans des quartiers intégrant des citoyens de diverses classes sociales. Les logements abordables se multiplient au coeur des quartiers, pour répondre aux besoins des personnes moins aisées ou plus âgées. Les jeunes familles accèdent à la propriété et choisissent la ville.

Elle utilise la culture, sous toutes ses formes, son âme rassembleuse, pour stimuler la créativité, animer, valoriser la diversité culturelle, rayonner internationalement. La culture, au centre-ville, renforcée dans chaque quartier, devient le moteur de la vie collective, un superbe outil, contre la déprime, l'exclusion sociale des personnes seules ou âgées et des immigrants.

Proposer de nouvelles idées, pour implanter cette ville verte durable, devient le sport des 7 à 97 ans, alimenté par des concours. Réaliser la ville verte fait appel à tous, mobilisés par un événement catalyseur dans 10 ans. Montréal devient la ville modèle. Ces valeurs partagées s'intègrent aux choix de la vie quotidienne, façonnent son image de marque et sa fierté.

Les sceptiques diront qu'il y a loin de la coupe aux lèvres, que ce rêve en vaut d'autres. L'important est d'en poursuivre un, d'embarquer dans un futur plus merveilleux, et de s'affairer à le réaliser.

Dommage que la campagne électorale, en manque d'échanges constructifs, soit déjà terminée. Quel candidat nous entraînera, dimanche, sur une voie pour bâtir le Montréal de demain tout en corrigeant les turpitudes?

Florence Junca-Adenot

L'auteure est directrice du Forum Urba 2015 au département d'études urbaines et touristiques de l'UQAM. Elle a été présidente de l'Agence métropolitaine de transport de 1996 à 2003.