Il y a deux façons de regarder la situation des finances publiques québécoises, après la mise à jour que vient de présenter le ministre des Finances, Raymond Bachand.

On peut sursauter devant la taille du déficit, qui atteint maintenant 4,7 milliards. Et s'indigner du fait que les prévisions du budget du printemps dernier aient été dépassées de 750 millions. Ou encore, on peut sortir de notre bulle, et regarder ce qui se passe ailleurs. On découvre alors que notre déficit est modeste. Et que l'erreur de prévision est carrément insignifiante quand on la compare à celles des gouvernements voisins.

Le budget ontarien affichait un déficit de 14,1 milliards. Il est passé à 24,7 milliards dans la mise à jour de la semaine dernière. Les chiffres se comparent mal à ceux du Québec, parce que les normes comptables ne sont pas les mêmes. Mais ce qui se compare, c'est que le déficit de la province voisine a pratiquement doublé. C'est également le cas à Ottawa, où il est passé de 33,7 à 55,9 milliards.

Ces chiffres nous disent que le Québec a été béni des dieux, avec une récession plus douce, qui s'est terminée en juin, comme on l'a appris lundi. Mais ils nous disent aussi qu'il y a eu, au Québec, un contrôle des finances publiques qu'on ne retrouve pas ailleurs.

Voilà les fleurs. Et maintenant, le pot. Ce qui importe, ce n'est ni le passé ni le présent. Notre gros problème, c'est l'avenir: les séquelles de cette crise, les déficits récurrents et la dette qu'ils vont gonfler. À cet égard, le gouvernement du Québec ne semble pas en contrôle. Le document du ministre Bachand ne propose ni de stratégie, ni même de pistes de solution.

Même si les déficits québécois sont modestes, ils sont inquiétants, parce que la dette québécoise était déjà la plus élevée au Canada. Ces déficits rendent très sérieuse une situation qui était déjà difficile. Déjà, 10% du budget passe à payer les frais de la dette. Dans quatre ans, ce sera 14%. Et ça va continuer à augmenter si on ne fait rien.

Deuxièmement, la réduction naturelle du déficit sera moins forte au Québec. Parce que la reprise y sera moins vigoureuse, et que sa structure des revenus comporte moins de potentiel de croissance. Il n'y a pas de poules aux oeufs d'or, comme des sièges sociaux, des institutions financières avec leurs profits, ou une industrie pétrolière capable de revirements spectaculaires.

Dans le budget de mars dernier, on connaissait le problème. Les nouveaux chiffres ne changent pas grand-chose au portrait. D'ici 2013-2014, année cible pour revenir au déficit zéro, il faudra trouver 11,3 milliards. La mise à jour n'arrive avec aucune idée nouvelle pour y parvenir. On reprend les trois mesures déjà annoncées dans le budget, qui donneront 2,3 milliards (récupération fiscale, indexation des tarifs et hausses de la TPS). On veut toujours ramener la croissance des dépenses de 4,6% à 3,2%, toujours sans dire comment, ce qui classe cette récupération de 3,9 milliards dans la catégorie des voeux pieux. Et pour les 5,1 milliards restants, on ne sait toujours pas.

Aucune espèce de progrès en sept mois. Le ministre a certes joint à son énoncé un document de consultation. Mais ce texte, vague, plein de principes généraux, ne peut pas servir de base de discussion. Pour consulter, il faut quand même consulter sur quelque chose.

Ce qui est clair, c'est que le gouvernement Charest ne semble pas être sur le mode consultation. Pour le reste, il faut spéculer. Soit le gouvernement Charest ne sait pas quoi faire, soit il sait où il s'en va, mais ne veut pas dévoiler son jeu, sauf pour tester quelques idées. Espérons que la seconde hypothèse soit la bonne.