Médecin responsable du groupe de médecine familiale (GMF) au Centre médical Saint-Léonard d'Aston, l'auteur est représentant des ordres professionnels au conseil d'administration de l'Office des personnes handicapées du Québec.

Lors de la dernière réunion du conseil d'administration de l'Office des personnes handicapées du Québec, nous avons eu à échanger dans le but de préparer le mémoire que l'Office présentera à la commission parlementaire des affaires sociales sur le droit de mourir dans la dignité.

J'ai écouté avec attention les différents points de vue de mes collègues administrateurs puisque je participerai à la préparation de ce mémoire. Chacun exprimait son opinion souvent basée sur une expérience vécue avec un proche. J'ai pu constater que la notion de qualité de vie peut varier d'une personne à l'autre. Elle varie aussi pour la même personne au cours de sa vie.

Le lendemain, j'assistais aux funérailles de la plus jeune de mes tantes.

Dans la famille de ma mère, on ne suit pas les règles habituelles de l'espèce humaine. Les plus jeunes meurent avant les plus vieux. Le cadet de la famille, mon plus jeune oncle est décédé il y a plus de 25 ans à l'âge de 42 ans de la maladie de Lou Gehrig. Sa maladie a évolué rapidement, deux ans se sont écoulés entre le diagnostic et son décès. À cette époque, les soins à domicile étaient moins développés. Il est demeuré chez lui jusqu'à la fin.

Dans les dernières semaines, voulant éviter à Jacqueline, sa conjointe, la charge qu'il lui causerait, il m'a demandé de l'hospitaliser. J'étais son médecin. Jacqueline a refusé, prétextant qu'on ne ferait rien de plus à l'hôpital que ce qu'elle pouvait faire chez elle. Elle avait raison. Raymond s'est éteint quelques jours plus tard dans ses bras et entourés de ceux qui l'aimaient.

Tante Denise, elle, a appris en février qu'elle était atteinte d'une maladie mortelle pour laquelle aucun traitement curatif n'était possible. Elle a exprimé le désir de mourir chez elle. Ma cousine Guylaine a été volontaire pour l'accompagner dans cette expérience. Aidé de ses frères et soeurs et bénéficiant du support des soins à domicile ainsi que de celui du médecin de famille de sa mère, elle a pu répondre à son souhait. Tante Denise est demeurée chez elle et a pu mourir dans l'ambiance chaleureuse de son foyer, entouré de ses souvenirs et de sa famille.

Je crois pouvoir dire que dans ma famille, les gens meurent dans la dignité.

Dans ma carrière, j'ai vu des gens mourir dans la dignité, tant dans un établissement que dans leur foyer. J'ai aussi vu mourir des gens sans dignité et cela même à l'hôpital. J'ai vu des gens mourir dans un environnement froid et sans aucun accompagnement.

Dans ma carrière, j'ai aussi vu des familles qui, comme la mienne, ont eu le souci d'accompagner leurs proches pour vivre leurs derniers moments aussi pleinement que possible. Je crois pouvoir dire que pour les familles qui se permettent de vivre cette expérience, la résolution du deuil est beaucoup plus facile. Bien sûr cela suppose le support des proches, des soins à domicile organisé et un médecin disponible.

Dans les prochains mois, la commission spéciale des affaires sociales sur le droit de mourir dans la dignité tiendra des audiences publiques dans plusieurs villes du Québec. Seront abordés aussi les questions de l'euthanasie et du suicide assisté. Elle entendra les citoyens pour recueillir leurs témoignages verbal ou écrit dans le but de formuler des recommandations à l'Assemblée nationale sur le sujet.

Il sera important de participer à cette commission itinérante car ses conclusions et ses recommandations régiront peut-être dans l'avenir les conditions dans lesquelles se déroulera notre propre mort.