Le débat relatif à la rémunération adéquate des médecins spécialistes au Québec reflète la non-concordance des ambitions du gouvernement actuel et réitère une incohérence flagrante. Le paradoxe est rarement énoncé, mais si concret qu'on peut se questionner sur la volonté réelle des élites politiques québécoises.

Le débat relatif à la rémunération adéquate des médecins spécialistes au Québec reflète la non-concordance des ambitions du gouvernement actuel et réitère une incohérence flagrante. Le paradoxe est rarement énoncé, mais si concret qu'on peut se questionner sur la volonté réelle des élites politiques québécoises.

Comment est-il possible d'aspirer à une croissance en matière de qualité de soins de santé sans en rémunérer adéquatement les instigateurs premiers? Les instances gouvernementales ne semblent pas saisir, ou du moins, ne veulent pas saisir, qu'un praticien consacrant plus d'une décennie à suivre une formation se voit doté de connaissances qui font l'envie de plusieurs provinces canadiennes. Les cliniciens deviennent rapidement l'objet de convoitise et se voient offrir des salaires plus avantageux, des conditions de vie plus intéressantes, mais surtout, des conditions de pratique plus décentes que celles présentes au Québec.

Alors que les bacheliers en économie, en droit et en politique pullulent à l'Assemblée nationale, ils semblent avoir oublié un principe fondateur de nos sociétés modernes: la compétitivité. Sur quelles bases souhaitons-nous convaincre nos talents d'ici de ne pas migrer dans une autre province, ou encore, dans un autre pays?

Évidemment, les plus courageux resteront ici à pratiquer une médecin du militantisme, s'engageant dans des combats sans fin afin de justifier la légitimité des dépenses en matière de santé. Mais pour les autres, quels arguments valables leur propose-t-on afin de justifier leur choix? Bien sûr, les politiciens auront une réponse finement ficelée par des relationnistes de presse, en guise de riposte à ces questions. Pourtant, la réalité est que la province québécoise est victime de la faiblesse d'un système de santé qui n'est soutenue qu'en apparence, par les politiciens.

A-t-on déjà entendu parler de la migration massive des médecins ontariens en direction du Québec? La réponse est, sans contredit, non. Pourtant, chaque année, si ce n'est pas sur une base hebdomadaire, des centaines de praticiens de talents migrent à l'extérieur des frontières québécoises. Plus de 50% des étudiants graduant de la faculté de médecine de l'Université McGill quittent la province. En 2005, 57 médecins spécialistes ont quitté le Québec. De 1996 à 2000, la province a perdu 653 médecins dont la moyenne d'âge était d'environ 41 ans. Ces statistiques reflètent à elles seules l'échec du gouvernement en matière de rétention de main-d'oeuvre médicale et permettent de saisir que pour les médecins qui ont quitté, l'exode était un choix réfléchi et mûri.

Ces départs sont déchirants pour la province, mais ils le sont tout autant pour les praticiens eux-mêmes. Quitter une province, c'est quitter sa langue, son passé, sa culture. Bien que les plus tenaces tiennent à demeurer au Québec, les circonstances amènent plusieurs professionnels à traverser la frontière pour des raisons économiques. Les praticiens se voient offrir des salaires représentant 150% de la rémunération qu'ils ont ici, dans d'autres provinces canadiennes.

En tant qu'étudiant, dès les premières semaines de cours, j'ai pu entendre de la bouche de mes collègues la volonté claire de quitter la province dès leur diplôme obtenu. Bien que je condamne totalement cette attitude, je la comprends. Ce que je comprends moins, par contre, c'est l'inaction du gouvernement puisqu'il ne fait rien pour retenir ses élites et freiner la migration.

Au cours des derniers mois, j'ai pu entendre parler du départ de spécialistes de l'oncologie, de la pédiatrie et de la chirurgie, en provenance de Montréal, à destination d'hôpitaux canadiens et américains. Ces derniers étaient des pionniers dans leur domaine et ont permis d'appliquer des techniques novatrices sauvant la vie de plusieurs patients québécois. Ils jouent un rôle académique et permettent de partager des connaissances précieuses avec des étudiants aspirant à la pratique médicale et de faire rayonner les universités et hôpitaux québécois sur la scène mondiale.

Personnellement, je suis au Québec pour y rester. Pourtant, en quoi est-ce que les étudiants, praticiens, patients, universités et hôpitaux devraient subir les conséquences de la migration de talents québécois, résultant de l'hypocrisie d'un gouvernement en apparence concerné par la question du système de la santé, mais qui, dans les faits, ne semble pas prêt à agir concrètement?