C'est reparti. Des révélations de La Presse montrent que le système de santé est toujours au bord de la crise de nerfs : un homme qui meurt après avoir attendu une opération, un autre dont l'intervention a été reportée 10 fois, des urgences toujours débordées.

C'est reparti. Des révélations de La Presse montrent que le système de santé est toujours au bord de la crise de nerfs : un homme qui meurt après avoir attendu une opération, un autre dont l'intervention a été reportée 10 fois, des urgences toujours débordées.

Oui, il y a de gros problèmes. Cependant, si on veut les régler, il y a des erreurs à éviter. La première, c'est la gestion par médias interposés. Le réflexe du réseau de la santé, et des politiciens, ce sera d'intervenir dans ces dossiers plus visibles, plus chauds, qui sont au coeur de l'actualité. Avec le risque de mettre les priorités à la mauvaise place et de créer d'autres problèmes ailleurs. C'est la logique de la saveur du mois.

L'autre danger vient de notre système parlementaire, qui fonctionne avec le principe de la responsabilité ministérielle. Les règles du jeu partisan veulent qu'on rende responsable le ministre de tout ce qui peut aller mal dans l'énorme réseau de la santé. C'est simpliste.

Ces histoires d'horreur qui font les manchettes, auxquelles il faut sans doute ajouter tous les cafouillages qui ne sont pas venus à l'attention des médias, projettent l'image d'un réseau à bout de souffle, qui fonctionne vaillamment avec un personnel débordé et épuisé – on le voit avec les heures supplémentaires obligatoires pour les infirmières – où les risques de dérapages se multiplient. Ce qu'on ne sait pas, c'est si, dans ce chaos, l'ordre est en train de s'installer. Si, malgré les ratés, il y a néanmoins progrès.

Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, voit ces progrès et se dit confiant pour l'avenir. Mais les outils pour évaluer la santé du système nous manquent. Et pas grand monde ne croira le ministre sur parole, notamment parce qu'il n'a pas démontré sa capacité de contrôler l'énorme machine dont il a la charge. Dans une fonction où la capacité d'inspirer confiance joue un grand rôle, M. Bolduc projette l'image d'un politicien faible et inexpérimenté, lent, passif, réactif.

Cette maladresse, on l'a encore vue à l'oeuvre hier quand le ministre, pour illustrer les qualités de notre système de santé, a donné l'exemple de l'intervention contre la grippe A(H1N1), où le Québec a fait mieux qu'ailleurs. C'est le genre de situation où un système lourd et bureaucratique excellera, avec un plan, des fonctionnaires, des directives venues d'en haut.

C'est justement cette approche lourde qui ne fonctionne pas dans le fonctionnement quotidien du système. Et dont les effets pervers ont été mis en relief par les événements récents qui ont fait la manchette.

Par exemple, la logique bureaucratique du réseau, qui a une remarquable capacité d'adaptation pour s'ajuster aux normes, comme réduire les temps d'attente aux urgences en sacrifiant des lits aux étages. Ou la pénurie d'infirmières qui montre le besoin criant d'une profonde réorganisation du travail, dont on ne voit pas l'ébauche. Ou le problème toujours non réglé du mode de financement des hôpitaux, qui entrave leur capacité d'adaptation.

À ces problèmes de structures s'ajoutent des problèmes de culture. Pénuries ou non, les bavures qui ont fait les manchettes n'auraient pas dû survenir s'il y avait eu de la sensibilité et du bon sens, ce qu'ailleurs on appelle le respect du client. Ou encore la diabolisation du secteur privé, qui nous prive de nécessaires soupapes de sécurité.

Dans les jours qui viennent, le ministre Yves Bolduc va devoir jouer au pompier, cette fois-ci en dégageant des lits dans les hôpitaux montréalais. Mais le rôle du ministre, ce n'est pas d'agir à la pièce, mais de s'attaquer à des problèmes systémiques comme ceux que je viens d'énumérer. C'est là que l'on mesurera le leadership.