La marmite des accommodements raisonnables s'est remise à mijoter. Le dernier coup de bouillon a été provoqué par une entente en dessous de la table entre la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, et quelques écoles hassidiques.

Cette entente, acceptable, et qui aurait fort bien pu être acceptée si elle avait été correctement expliquée, a fait déborder la marmite parce que l'opposition péquiste en a fait une croisade, exacerbé les tensions, exagéré les enjeux, un jeu dangereux que l'ancien premier ministre Lucien Bouchard a justement dénoncé.

Cette dynamique de maladresse libérale et de surenchère péquiste est malsaine, inquiétante et nuisible au Québec. Mais ce gâchis ne serait pas survenu si le premier ministre Jean Charest avait fait son travail. Il a choisi le silence, l'inaction, pour ne pas dire la catatonie dans ce dossier. Ce manque de leadership pèse très lourd dans la balance.

Plusieurs sociétés occidentales vivent un malaise dans leurs relations avec les communautés minoritaires. Cela tient à l'augmentation de l'immigration, mais beaucoup aux inquiétudes, réelles ou imaginaires, provoquées par la confrontation avec l'islam, dans ses versions dévotes ou radicales. Ces tensions ne se règlent pas toutes seules. Au contraire, le laisser-faire risque de favoriser le jeu des rumeurs et de l'amplification, qui nourrissent l'intolérance.

C'est le rôle d'un gouvernement de protéger les minorités contre la loi de la majorité, de faire contrepoids aux Hérouxville de ce monde. Mais c'est aussi son rôle de définir un cadre dans lequel s'articuleront les rapports entre groupes, de mettre des balises, de définir des règles qui favoriseront la vie en commun. C'est ça qui permettra aussi de rassurer la majorité et de désamorcer les inquiétudes.

Si le gouvernement Charest avait eu une politique claire, bien des incidents n'auraient pas connu le retentissement qu'ils ont eus. Ce n'est évidemment pas facile, car cela exige un savant dosage entre la défense des droits des minorités et ceux de la majorité. Mais on aurait pu croire que les libéraux, en raison de leurs traditions, de la composition de leur parti, de ses racines, étaient bien placés pour le faire.

C'est ce rôle essentiel que le gouvernement Charest a choisi de ne pas jouer. Les silences et les omissions de Mme Courchesne dans le dossier des écoles hassidiques sont un fidèle reflet de la politique de son gouvernement.

On suppose que la crise des accommodements raisonnables, et l'énorme capital que l'ADQ de Mario Dumont en a retiré, a échaudé les libéraux. Si tel est le cas, c'est une bien mauvaise lecture de la réalité. Le succès de l'ADQ, dans ce dossier, tenait largement à l'inaction libérale.

Par la suite, le gouvernement Charest a créé la commission Bouchard-Taylor. Une heureuse initiative. Mais il s'est servi de cette commission avec une logique de court terme, en croyant que les audiences tenues par les commissaires suffiraient à désamorcer la crise et à régler le problème. Le gouvernement Charest a mis le rapport à la poubelle, après en avoir rejeté rapidement l'une des recommandations, celle de retirer le crucifix de l'Assemblée nationale.

Les libéraux n'avaient pas à reprendre en bloc toutes les recommandations des commissaires, mais ils auraient à tout le moins dû s'en servir comme d'une base pour définir leur propre cadre d'intervention. Notamment en précisant ce qui, à leurs yeux, était raisonnable et ne l'était pas.

M. Charest a plutôt choisi de faire le mort, laissant ainsi le terrain libre à Mme Pauline Marois qui alimente et récupère le malaise provoqué par l'inaction. La nature a horreur du vide. Et actuellement, le Québec est dans un véritable vacuum politique.