Ce n'est pas un hasard si l'Association des femmes autochtones du Québec a été le seul groupe à protester contre l'expulsion de 26 Blancs de la réserve de Kahnawake mariés à des Mohawks. Ce n'est pas d'hier que les femmes sont opprimées sur ces réserves.

Ce n'est pas un hasard si l'Association des femmes autochtones du Québec a été le seul groupe à protester contre l'expulsion de 26 Blancs de la réserve de Kahnawake mariés à des Mohawks. Ce n'est pas d'hier que les femmes sont opprimées sur ces réserves.

Les Blancs visés par l'ordre d'expulsion sont des hommes. Les femmes autochtones (et leurs enfants) devront donc voir maris et pères quitter de force le domicile conjugal. Ou alors, si elles suivent leur conjoint pour s'installer en dehors de la réserve, elles-mêmes et leurs enfants perdront leurs droits ancestraux. Cet affreux dilemme n'est pas imposé aux hommes mohawks, car apparemment, le principe de pureté culturelle qui vaut pour les femmes ne vaut pas pour les Mohawks mariés à des Blanches. Où l'on voit que racisme et sexisme font souvent bon ménage...

Ces expulsions semblent d'ailleurs tenir beaucoup plus à des luttes de pouvoir et à des histoires de gros sous qu'à la protection de l'intégrité culturelle d'une communauté de 8000 âmes. Écoutons ce que disait à La Gazette la présidente de l'Association des femmes autochtones, Ellen Gabriel, elle-même une Mohawk de Kanesatake: «L'adoption de non-Mohawks (par des Mohawks) a toujours été et est encore une pratique courante, qui inclut même des cérémonies de bienvenue à l'endroit des non-résidents qui s'engagent à apprendre la langue mohawk et à respecter les traditions mohawks.» La solution, en somme, passe par l'intégration des nouveaux venus plutôt que par l'intolérance.

Les Mohawks du Québec, d'ailleurs, n'ont pas le choix. Contrairement aux réserves isolées du Grand Nord, les leurs se trouvent à proximité de Montréal. Cela leur procure nombre d'avantages: ils ont accès à un vaste marché du travail, de même qu'à une nombreuse clientèle désireuse d'acheter leurs cigarettes détaxées, de fréquenter leurs casinos et leur club de golf. En revanche, et c'est l'autre côté de la médaille, ils sont particulièrement exposés au «risque» (si c'en est un!) de rencontrer des non-Indiens... parmi lesquelles pourrait bien se trouver leur futur(e) conjoint(e). Il va de soi que la pureté raciale déclinera au rythme des intermariages, mais c'est un sort qui guette toutes les petites communautés, sans compter que le concept de pureté raciale, aujourd'hui, est totalement archaïque.

Ce n'est malheureusement pas le cas dans le Canada qu'ont modelé les responsables successifs des «Affaires indiennes». C'est en effet le gouvernement fédéral qui est responsable du dépérissement des communautés amérindiennes, par l'instauration de ce système d'apartheid fondé, précisément, sur la pureté raciale, et qui fait dépendre les subventions du nombre de «vrais» autochtones (sang cent pour cent pur) qui résident dans les réserves.

Pierre Elliott Trudeau et Jean Chrétien, en leur temps, avaient songé à abolir carrément les réserves – ils avaient bien raison – mais la chose était politiquement impossible.

Le système avait prospéré, trop de gens et de lobbies y avaient trouvé leur intérêt: les conseils de bande qui jouissent d'un pouvoir discrétionnaire, les diverses associations de Premières Nations qui apportent à leurs leaders un statut et un revenu, les innombrables avocats et consultants de tout acabit qui profitent de la misère de ces peuples... Plus récemment, le fédéral n'a même pas osé donner suite aux projets de loi qui voulaient soumettre les conseils des réserves à l'obligation de rendre des comptes à leurs commettants et aux contribuables, et d'instaurer un minimum de règles démocratiques sur leur territoire!

Comme me le disait un lecteur, «tant qu'il existera des lois pour ghettoïser les Indiens, ces abus continueront. Les lois censées protéger les autochtones feront leur perte en les isolant du monde.»