Le gouvernement Charest s'apprêterait à rendre accessible la fécondation in vitro dans les hôpitaux universitaires. Il est légitime de se questionner sur la nécessité de s'engager dans une telle voie. Plusieurs raisons autant économiques que médicales ou philosophiques commandent que la société québécoise soit d'abord appelée à se prononcer sur cette question et que les conséquences d'un tel investissement en argent et en personnel spécialisé soient évaluées.

Ces dernières années, la détérioration de la situation économique et la dégradation des services de santé exigent que le ministère de la Santé et des Services sociaux se définisse de nouvelles priorités et entreprenne une réflexion sur l'utilisation des fonds publics. En ce moment, les coûts en argent et en personnel liés à la procréation assistée restent indéterminés.

Le Dr Michel Bureau, directeur général des services de santé et de la médecine universitaire à ce ministère, confirme que l'offre de service dans le domaine de la fécondation <i>in vitro</i> sera un investissement «très coûteux» et que les prédictions sur les coûts suscités par cette décision restent floues et incertaines. Alors que les hôpitaux universitaires comme les autres institutions hospitalières accumulent d'année en année des déficits budgétaires et souffrent d'un manque flagrant de personnel médical, l'urgence et la nécessité de développer des services publics de procréation assistée restent à démontrer. La Commission de l'éthique de la science et de la technologie (CEST) rappelait à l'occasion de la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) que, lorsque les ressources sont limitées, comme c'est le cas actuellement, il faut se résoudre à prioriser certains groupes au sein de la population. Les parents incapables d'avoir des enfants doivent-ils être priorisés, alors que des victimes du cancer voient des soins indispensables à leur guérison retardés faute d'appareillage? Que dire des chirurgies retardées en raison du manque de disponibilité des salles opératoires ou de personnel?

Le Dr Bureau affirme qu'il est logique que le Québec offre ce service devant la hausse prévue de la demande. Curieuse logique de la part d'un haut gestionnaire des services de santé québécois. Parce qu'il y a une demande forte de chirurgie esthétique chez les jeunes, devrait-on rendre public ce service offert en clinique privée? Depuis longtemps, il existe une très forte demande en soins dentaires, pourtant ce service n'est toujours pas gratuit ni accessible à tous.

Plus fondamentalement, n'y aurait-il pas lieu de s'interroger sur le droit prétendu des parents d'avoir des enfants en utilisant une biotechnologie comme la fécondation <i>in vitro?</i> Je comprends très bien la tristesse des couples incapables de donner naissance à un enfant sans pour autant reconnaître que c'est un droit au même titre que certains autres droits reconnus dans notre société. Bien sûr que le service actuel privé est très cher et inaccessible pour une grande partie de la population, mais devant les difficultés financières du système de santé public, des choix s'imposent. Il faut les faire après réflexion, après consultation et ne pas improviser.