Est-ce une sorte de fascisme soft, ou le retour en force de la religion dans ce qu'elle avait de plus répressif? Voyez ce pauvre Tiger Woods qui s'humilie publiquement, confesse des «péchés» qui ne regardent personne, implore le pardon d'une foule de gens à qui il ne doit pourtant aucune explication, tout cela au nom de la «transparence» qu'on exige aujourd'hui des vedettes. Cette transparence n'a rien de clair ni de limpide, c'est une loupe perverse qui traque ses victimes et les déshumanise.

Est-ce une sorte de fascisme soft, ou le retour en force de la religion dans ce qu'elle avait de plus répressif? Voyez ce pauvre Tiger Woods qui s'humilie publiquement, confesse des «péchés» qui ne regardent personne, implore le pardon d'une foule de gens à qui il ne doit pourtant aucune explication, tout cela au nom de la «transparence» qu'on exige aujourd'hui des vedettes. Cette transparence n'a rien de clair ni de limpide, c'est une loupe perverse qui traque ses victimes et les déshumanise.

Est-ce, comme on dit, «la rançon de la gloire» que de forcer les célébrités à rendre des comptes au public sur des questions qui relèvent de leur intimité? Comme si la gloire était un cadeau immérité qui devait être payé par le renoncement à toute dignité humaine! Ce qui se passe, c'est le sordide triomphe des sentiments les plus mesquins (l'envie, la jalousie, le ressentiment, le voyeurisme) sur le respect le plus élémentaire de la vie privée d'autrui.

Loin d'être une célébrité à la Paris Hilton, dont l'unique occupation est d'être précisément une «célébrité», Tiger Woods ne devait sa richesse et sa notoriété qu'à son extraordinaire talent et à un travail acharné. Contrairement à tant d'autres vedettes qui se mettent en scène constamment et vont jusqu'à adopter des bébés exotiques pour faire parler d'elles, il protégeait jalousement sa vie privée. On ne pourra jamais l'accuser d'être puni par où il avait péché, lui qui observait, en dehors des parcours de golf, une discrétion exemplaire.

«La vie privée est politique», disaient naguère les féministes radicales, qui voulaient éliminer la complexité et les contradictions qui marquent les rapports humains. Nous vivons maintenant dans un monde où, avec Facebook, YouTube et la multitude de blogues animés par des gens cachés sous des pseudonymes, la culture du potinage a pris des dimensions exponentielles.

Certains moralistes à la con reprochent à Tiger Woods d'avoir été hypocrite en laissant ses commanditaires exploiter son image de bon gars. C'est injuste. Tiger Woods n'a jamais fait de discours en faveur de la fidélité conjugale. Son image de marque venait du fait qu'il représentait le golfeur ultime, le meilleur praticien du sport le plus clean au monde.

Comme le remarquait jeudi avec beaucoup de finesse notre collègue Paul Journet, «pour comprendre pourquoi Tiger donnait l'illusion d'être parfait, il faut comprendre son sport».

Les grands athlètes ont souvent un côté brutal ou voyou, surtout dans les sports d'équipe et de contact (voyez Zenadine Zidane, LeBron James, Zdeno Chara...). Le golf est un sport de gentlemen.

On se serre rituellement la main au terme d'une ronde, on aide les autres à chercher leurs balles égarées, on répare soi-même les dommages faits au terrain... Comme on joue fondamentalement contre soi-même, dans un relatif isolement (en dehors des tournois), la tricherie serait facile: déplacer une balle sans prendre une pénalité, «oublier» un ou deux points... Mais les vrais golfeurs ne trichent jamais. L'éthique du golf est aussi rigoureuse que son étiquette.

C'est aussi le sport le plus intellectuellement exigeant qui soit, un sport qui demande, notamment, une capacité de concentration sans faille, une attention aux plus petits détails. Un jeu difficile, où abondent les frustrations. Il faut donc une totale maîtrise de soi et une patience à toute épreuve. D'où, forcément, l'image du champion golfeur comme un athlète appliqué, honnête... et presque parfait. Tiger Woods en était la plus magnifique incarnation. Il l'est toujours. Ce qu'il fait, une fois passé le 18e trou, ne nous regarde pas.