Nous sommes bombardés de chiffres de toutes sortes en matière de chômage et de situation de l'emploi. Crise ou sortie de crise, on peine à s'y retrouver...

Une donnée importante, pourtant, retient notre attention: selon les derniers chiffres disponibles, le nombre de prestataires d'assurance emploi a diminué au cours des derniers mois alors que le taux de chômage n'a cessé d'augmenter et que les pertes d'emplois se sont accumulées.

 

Le Canada a connu une perte nette de 43 000 emplois en octobre. De fait, Statistique Canada nous informe que ce sont plus de 400 000 emplois qui ont ainsi été perdus depuis un an. C'est énorme. Le taux de chômage suit la même courbe: d'à peine plus de 6% il y a un an, il s'établit maintenant à 8,6% au Canada, soit 1 590 000 personnes en chômage.

On apprend aussi que l'emploi à temps plein s'est replié à un rythme plus rapide que l'emploi à temps partiel, que la création d'emplois est trop souvent celle d'un emploi à temps partiel. Des institutions importantes nous annoncent, d'ailleurs, que la «crise de l'emploi est loin d'être terminée».

Comment expliquer alors que le nombre de prestataires d'assurance emploi au Canada puisse diminuer? Étrange concept que celui nous indiquant une augmentation du taux de chômage, mais une baisse du nombre de chômeurs. En fait, non, pas une baisse du nombre de chômeurs, mais plutôt une baisse du nombre de «chômeurs pouvant recevoir des prestations d'assurance emploi». Nuance majeure.

Ainsi, le gouvernement refuse d'accorder des prestations à des dizaines de milliers de travailleurs qui ont perdu leur travail, et qui ont pourtant cotisé au régime d'assurance emploi. C'est ce même problème que les premiers ministres des 10 provinces canadiennes ont demandé, cet été, au premier ministre canadien de régler. Du jamais vu depuis des décennies. C'est ce même problème que nombre d'institutions, d'élus municipaux, une majorité parlementaire de la Chambre des communes, d'innombrables mouvements sociaux et syndicaux, l'Église, ainsi que nombre d'économistes, d'observateurs politiques de toutes sortes, ont demandé au gouvernement de régler.

Stephen Harper a-t-il entendu cet appel? Est-il à l'écoute de la même actualité? Animé des mêmes préoccupations? Manifestement non. Ce gouvernement est ailleurs, en préparation de prochaines élections, et à calculer ses «bons» coups, n'hésitant pas, notamment, à prendre l'assurance emploi comme matière à cette préparation.

Ainsi, au lieu de réparer le régime d'assurance emploi, affreusement amoché au cours des 15 dernières années, et de l'adapter aux besoins de notre population, il y va de mesures limitées (couverture partielle pour les travailleurs autonomes) sinon faussées. C'est le cas du projet de loi C-50 qui prétend prolonger la période de prestations jusqu'à 20 semaines pour les travailleurs de longue durée, alors que seule une infime minorité d'entre eux y auront droit. Cette mesure, d'ailleurs, introduit une nouvelle notion tout à fait pernicieuse, celle des méritants face aux «mauvais chômeurs», même si parfois tous deux proviennent du même lieu de travail et habitent le même quartier.

C'est ce même gouvernement, irresponsable, qui planifie méthodiquement, en ce moment même, le déficit prochain de la caisse d'assurance emploi, afin de se soustraire à ses obligations. Selon l'actuaire en chef du ministère des Ressources humaines, il faudrait que le taux de cotisation soit relevé à 2,43$ pour couvrir les dépenses prévues en 2010, alors que ce taux est gelé depuis 2008 à 1,73$ et qu'il le sera encore l'année prochaine. En 1996, ce taux était de 3,08$. Nous anticipons ses pleurs sur l'obligation gouvernementale de couvrir ce déficit. Par contre, nous savons une chose: il s'agira d'un prêt que la caisse d'assurance emploi devra rembourser au Trésor, avec intérêt de surcroît, comme c'est le cas depuis très longtemps.

Le régime d'assurance emploi doit être dépolitisé et ramené à sa fonction première: soutenir les travailleurs en chômage. Ce régime doit être réparé, et impérieusement amélioré, il doit aussi être assoupli et simplifié. Modernisé. Nous avons besoin de solutions constructives et structurantes, pas d'un «monstre à 1000 têtes».

Une commission indépendante devrait être mandaté dans les plus brefs délais afin de proposer les grands axes d'une telle réforme. Cela devient urgent.